La reprise économique en Europe et ses implications pour les investisseurs
Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, l'Europe vit actuellement un moment particulier. En effet, la situation macroéconomique et les perspectives d'investissement de la zone euro ont nettement évolué à la hausse au cours de l'année écoulée. Nous examinons ici les cinq facteurs clés à l'origine de ce changement naissant, les raisons pour lesquelles nous pensons qu'il est durable et ce qu'il pourrait signifier pour les investisseurs.
1 Réforme structurelle : redynamiser l'Europe grâce à des politiques favorables à la croissance
Fin 2024, l'ancien Premier ministre italien Mario Draghi, a publié « Le rapport Draghi : une stratégie de compétitivité pour l'Europe », qui décrit comment, selon lui, l'Union européenne (UE) peut chercher à regagner sa compétitivité dans une économie mondiale en mutation, ce qui nécessiterait un investissement estimé entre 750 et 800 milliards d'euros par an dans toute l'UE. Le rapport reconnaît sans détour les difficultés économiques structurelles qui ont freiné la croissance européenne ces dernières années, ainsi que la nécessité correspondante de réformes structurelles (des mesures politiques audacieuses et à grande échelle) et d'une meilleure coordination au niveau de l'UE.
Au premier trimestre 2025, la Commission européenne a donné suite en dévoilant la « boussole pour la compétitivité », une feuille de route stratégique quinquennale complète qui traduit bon nombre des recommandations du rapport Draghi en initiatives concrètes, programmes législatifs et plans d'investissement (y compris une union de l'épargne et des investissements qui contribuera à mobiliser des capitaux). Dans le but de restaurer la compétitivité économique de la région et de surmonter sa fragmentation, la boussole met en avant trois priorités de transformation pour l'Europe :
1. Combler le retard d'innovation
2. La déréglementation
3. La décarbonisation
Ces objectifs ambitieux sont à la fois favorables à la croissance et aux entreprises et, s'ils sont atteints, pourraient constituer un puissant catalyseur pour l'économie de la zone euro à l'avenir.
Boussole de la compétitivité : conçue pour relancer le dynamisme économique de l'Europe
2 Allemagne : début de reprise pour le malade de l'Europe?
Au cours de la dernière décennie, la croissance européenne a été freinée par son pays le plus peuplé, l'Allemagne. Cependant, le résultat des élections nationales allemandes de 2025 a marqué un tournant vers l'expansion budgétaire et une orientation favorable aux entreprises, ce qui est de bon augure pour les politiques visant à stimuler la croissance économique et à créer des occasions d'investissement.
L'une des raisons pour lesquelles la croissance allemande a pris du retard est son extrême austérité budgétaire. Alors que la plupart des pays du monde ont vu leur déficit augmenter au cours des deux dernières décennies, ce n'est pas le cas de l'Allemagne. Cependant, le président Friedrich Merz a assoupli les contraintes budgétaires (réforme du frein à l'endettement) afin de permettre des niveaux d'emprunt plus élevés, en excluant notamment les dépenses de défense du plafond d'endettement national. L'Allemagne investit également massivement dans les infrastructures et la numérisation, des efforts budgétaires qui ont souvent un effet multiplicateur économique élevé, et est bien placée pour tirer parti de la volonté de l'UE d'augmenter les dépenses régionales en matière de défense.
Outre les mesures de relance budgétaire, un ensemble de mesures d'allègement fiscal prévues pour 2025, comprenant notamment des réductions de l'impôt sur les sociétés, devrait soutenir davantage l'économie allemande et l'environnement des affaires dans la période à venir.
Les dépenses publiques allemandes devraient augmenter jusqu'en 2030
3 Des signes de plus en plus nombreux de résilience économique cyclique
L'économie de la zone euro a fait preuve de résilience cyclique, du moins à court terme. Cela est crucial, car, pour les investisseurs non domiciliés en Europe, l'écart de croissance relatif entre celle-ci et les autres économies mondiales peut influencer de nombreuses décisions de portefeuille. Nous pensons que cette résilience économique cyclique devrait se poursuivre jusqu'en 2026.
Les preuves sont claires : les secteurs manufacturier et industriel de l'économie régionale ont connu une amélioration considérable depuis le creux de la fin 2023, tandis que l'activité des services est restée en expansion. De plus, des signes de reprise apparaissent dans les secteurs en début de cycle, tels que la construction et les nouvelles intentions commerciales, qui ont tendance à être les moteurs de la croissance globale. Les effets favorables de l'augmentation des dépenses de défense de l'UE ont également stimulé la croissance dans la région. Dans le même temps, les exportations de l'économie mondiale ont jusqu'à présent mieux résisté que prévu face aux droits de douane imposés par les États-Unis, comme le montrent les données concrètes et les données empiriques.
Bien que la périphérie européenne (par exemple, l'Espagne et l'Italie) ait fait preuve de résilience au cours de ce cycle, soutenue par des améliorations macroéconomiques structurelles, la France pourrait toutefois venir ternir les perspectives macroéconomiques de la zone euro, où l'instabilité politique et l'assainissement budgétaire pourraient peser sur la croissance au cours des prochains trimestres.
4 La BCE : un contexte monétaire plus accommodant
Nous pensons que la Banque centrale européenne (BCE) pourra maintenir sa politique actuelle dans un avenir prévisible, avec un taux d'intérêt de référence neutre, grâce à l'atterrissage en douceur qu'elle a orchestré et à la reprise de la croissance régionale, qui devrait dépasser les attentes en 2025.
La clarté de la trajectoire de la BCE, associée à une politique monétaire qui n'est plus restrictive, soutient dans une certaine mesure l'économie de la zone euro et les actifs européens à risque. Alors que d'autres grandes banques centrales, telles que la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre, ont eu du mal à réduire leurs taux au cours des 12 derniers mois, la BCE a abaissé son taux de 4 % à 2 % depuis juin 2024. Dans le même temps, l'inflation dans la zone euro semble pour l'instant maîtrisée, oscillant près de l'objectif de la BCE, tandis que le marché du travail apparaît solide. La vigueur persistante de l'euro a eu un effet désinflationniste, contribuant à contrer l'impact inflationniste probable des droits de douane américains.
Il est important de noter que l'assouplissement de la politique monétaire a stimulé la croissance du crédit dans toute la région et devrait continuer à le faire.
5 Réallocations de portefeuille à l’échelle mondiale : un moment décisif pour l'Europe?
Comme nous l'avons déjà écrit, le dénouement de l'hypermondialisation et l'évolution de l'ordre mondial pourraient offrir de nouvelles opportunités aux investisseurs non américains. Christine Lagarde, présidente de la BCE, considère cette transition comme une chance pour l'Europe de mieux contrôler son avenir et de renforcer la position de l'euro sur la scène internationale. Le renforcement du statut de la monnaie pourrait offrir des avantages tangibles, tels que la baisse des coûts d'emprunt, une moindre exposition aux fluctuations monétaires et peut-être une incitation pour les pays de la zone euro à fournir une aide budgétaire.
Compte tenu de l'accélération de la dynamique économique dans la région, nous pensons que les investisseurs basés dans la zone euro, qui sont les plus grands détenteurs étrangers de titres américains, pourraient être enclins à investir davantage de capitaux sur leurs marchés nationaux à partir de 2026. Outre le rapatriement d'une partie des dollars détenus à l'étranger, nous pensons que de nombreux allocataires européens vont revoir leurs stratégies de couverture de change pour leurs investissements américains existants, en particulier les actions. Si les investisseurs internationaux ont globalement continué à acheter des actions et des obligations américaines cette année, ils se tournent de plus en plus vers des zones géographiques autres que les États-Unis, comme l'indiquent les solides performances récentes et les flux d'investissement plus soutenus pour certains actifs européens.
Les flux de portefeuille européens pourraient s'accélérer si les flux de portefeuille américains ralentissent
Implications pour les investissements
La combinaison de politiques favorables à la croissance, de réformes structurelles et d'une politique monétaire plus accommodante commence à revitaliser le paysage européen en matière d'investissement, renforçant ainsi les arguments en faveur d'une gamme d'actifs européens.
- Actions — Nous pensons que l'amélioration du contexte macroéconomique devrait exercer une pression à la hausse sur les bénéfices des entreprises et les valorisations boursières, les secteurs de la défense, de la numérisation et des infrastructures allemandes étant les mieux placés pour en tirer profit. Les services financiers pourraient bénéficier d'une reprise des prêts, alimentée par des perspectives commerciales plus favorables, la tendance à la déréglementation et une demande plus soutenue de la part des entreprises.
- Revenus fixes — De même, le marché européen du crédit aux entreprises devrait bénéficier de conditions commerciales plus favorables et de mesures budgétaires supplémentaires. Nous sommes plus prudents à l'égard des obligations d'État européennes, car nous prévoyons une hausse progressive des rendements, les perspectives de la BCE devant fixer un plancher à l'extrémité avant de la courbe des taux, tandis que l'expansion budgétaire devrait maintenir les taux à long terme à un niveau élevé.
- Devises — L'élargissement des écarts de taux d'intérêt (la BCE maintient ses taux inchangés tandis que d'autres banques centrales les abaissent), le potentiel d'une croissance plus robuste dans la zone euro et la dynamique de couverture des devises suggèrent tous que l'euro pourrait rester fort par rapport au dollar américain.
Renseignements importants :
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