De transitoire à continue

Pourquoi l’inflation pourrait être plus constante en 2022

Les économies commencent à reprendre leurs activités après deux longues années ponctuées de fermetures et de réouvertures en raison de la pandémie. L’un des effets imprévus qui fait surface est la demande refoulée de biens et de services dans un contexte de lente reprise. Les consommateurs rattrapent maintenant le temps perdu et dépensent de l’argent sur des choses qu’ils avaient relégué au second plan. Le problème vient du fait que les chaînes d’approvisionnement mondiales peinent à répondre à cette demande en raison du manque de matières premières essentielles à la fabrication et des retards de livraison de celles-ci. Il en découle des retards importants en ce qui concerne des pièces d’automobiles, des meubles, des appareils ménagers, même des céréales pour le déjeuner et plus encore.

En examinant cette situation, les banques centrales et les économistes ont d’abord estimé que cette hausse de la demande par rapport à la disponibilité serait éphémère, de sorte que l’expression inflation transitoire est entrée dans le vocabulaire. Cette expression a servi à expliquer la montée en flèche de tous les prix, des voitures d’occasion au bois d’œuvre. Même si elle a été plutôt appropriée dans le cas du bois d’œuvre, les prix des autres intrants économiques sont toujours élevés deux ans après son apparition.

Les caractéristiques « transitoires » devraient commencer à s’estomper lorsque le transit des marchandises aux ports sera plus fluide et que les gens circuleront plus librement. Cependant, comme l’inflation par rapport à l’année dernière au Canada s’établissait à 4,8 % en décembre, l’élimination de ces caractéristiques transitoires n’atténuera probablement pas l’inflation autant que prévu. En effet, les facteurs inflationnistes à court terme ont ouvert la voie à certaines sources d’inflation à long terme.

L’une de ces sources pourrait être les salaires. Alors que le travail sur place reprend partout en même temps, la demande de main-d’œuvre s’intensifie dans plusieurs secteurs, comme les voyages, l’hôtellerie, le divertissement et les arts. Ces secteurs pourraient devoir doubler leur effectif, ce qui entraînera une forte demande de main-d’œuvre. Jumelée à la stagnation du marché du travail, cette demande accrue pourrait mener à une envolée des salaires. En fait, le salaire horaire moyen aux États-Unis a augmenté de 6 % d’avril à juin 2021, soit de deux à trois fois le taux de croissance habituel des dernières décennies.

À cela s’ajoute un autre problème important, soit le fait que de nombreuses personnes quittent le marché du travail.

Taux de participation à la population active aux États-Unis
Taux de participation à la population active aux États-Unis.

Source : Trading Economics, au 15 février 2022.

Plusieurs raisons pourraient motiver les gens à rester à la maison : la crainte de contracter la COVID-19, le manque de motivation engendrée par les prestations de chômage du gouvernement, ou des problèmes liés à la garde des enfants découlant des fermetures de garderies et d’écoles du fait de la pandémie.

La baisse de la participation au marché du travail exerce une pression accrue sur les salaires puisqu’un plus grand nombre d’entreprises se font concurrence au sein d’un plus petit bassin de main-d’œuvre. Toutefois, les salaires sont un indicateur inflationniste très persistent; une fois qu’ils augmentent, il est très difficile de les faire reculer. Alors, que peuvent faire les banques centrales dans un contexte d’éventuelles pressions inflationnistes à long terme?

Les outils de la banque centrale

À long terme, l’inflation devrait pouvoir être ramenée dans une fourchette de 2 % à 3 %, ce qui reste supérieur à la cible de 2 % établie par de nombreuses grandes banques centrales des pays développés. Donc, comment les banques centrales pourront-elles réagir à la menace d’inflation? Elles peuvent relever leur taux de financement à un jour pour diminuer l’attrait des emprunts et ainsi freiner une économie endiablée. La Réserve fédérale américaine (Fed) a déjà annoncé six hausses de taux en 2022, dont une première hausse de 25 points de base (pb) en mars. La Banque du Canada a relevé son taux directeur de 25 pb pour le porter à 0,5 % en mars.

Si l’on cherche les causes de l’inflation, les trouvera-t-on vraiment du côté des taux d’intérêt? Peut-être que le problème découle plutôt du fait que les banques centrales disposent de peu d’outils.

Ce type particulier d’inflation serait plus facilement contrôlé par une augmentation de la production – construction de nouvelles maisons et production de biens durables – et une pression moindre sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Si les entreprises de construction et les constructeurs automobiles doivent débourser davantage pour poursuivre leurs activités, des taux d’intérêt plus élevés pourraient réduire la production, envenimant le contexte inflationniste.

Message reçu

L’une des stratégies qu’emploie la Fed consiste à transmettre des messages clairs. Après chaque réunion de la Fed, des heures sont consacrées à analyser les mots et les phrases des énoncés pour leur donner un sens plus profond. Dernièrement, les observateurs ont remarqué la disparition totale du terme « transitoire ». Celle-ci pourrait bien s’expliquer par une volonté de contrebalancer une réaction exagérée des marchés prévisionnels par rapport à tout écart aux prévisions passées de la Fed.

Selon les annonces précédentes faites par les banques centrales, la Fed pourrait augmenter le taux des fonds fédéraux américains de 150 pb, et la Banque du Canada pourrait relever le taux de financement à un jour de 100 à 125 pb en 2022. En conséquence, où se trouveront les occasions durant les 12 à 24 prochains mois?

L’argent qui dort

Les sociétés de services financiers et les compagnies d’assurance sont généralement les premières qui viennent à l’esprit lorsque les taux d’intérêt commencent à grimper. La hausse des taux est généralement le signe d’une économie solide, qui stimule la croissance des prêts et donc favorise les prêteurs. Les sociétés de prêt profitent également de la hausse des taux en raison de l’écart plus grand entre ce qu’elles versent aux comptes épargne de leurs clients et ce qu’elles obtiennent des obligations de qualité, comme les bons du Trésor.

La hausse des taux se fait immédiatement ressentir pour les compagnies d’assurance : plus le taux est élevé, plus la croissance est importante. Elles doivent donc compenser leur passif par la souscription de contrats d’assurance en détenant des obligations à long terme de grande qualité, comme des obligations gouvernementales à 30 ans. Plus le coupon de ces obligations est élevé, plus la compagnie d’assurance génère de profits. Mais ce ne sont pas seulement les assureurs vie qui en profitent. Une économie en plein essor se traduit généralement par une hausse des achats de maisons et d’automobiles, ce qui augmente le nombre de contrats souscrits.

Les actions du secteur de la consommation discrétionnaire tendent également à bien se porter dans un contexte idéal de hausse des taux. C’est-à-dire que lorsque l’économie se porte bien, les consommateurs ont généralement plus de liquidités à portée de main et sont disposés à s’en départir pour des biens autres que les biens de consommation de base, comme les téléviseurs, les ordinateurs portables et les appareils mobiles.

Durant les derniers mois, les marchés boursiers ont opéré une rotation notable vers les secteurs de valeur. Lorsque la pandémie pesait encore lourdement sur l’économie et que les banques centrales inondaient le marché de « capitaux faciles », il semblait que chaque action atteignait de nouveaux sommets. C’est à ce moment que sont nées les « actions mèmes », dans un contexte de sommets et de creux sans précédent. Les sociétés ayant peu ou pas de bénéfices et affichant un ratio cours/bénéfice incroyablement élevé ont été propulsées par les investisseurs spéculatifs.

Les bénéfices comptent – la rotation de la croissance à la valeur
Les bénéfices comptent – la rotation de la croissance à la valeur

Source : YCharts, au 16 février 2022.

Mais à l’aube du deuxième trimestre de 2022, la spéculation et les valorisations vertigineuses semblent laisser la place à des actions de grande valeur assorties d’un ratio cours-bénéfice plus faible, les investisseurs se tournant vers des sociétés ayant de solides bénéfices pour affronter la hausse des taux. Le graphique ci-dessus montre la chute démesurée du NASDAQ lorsque les investisseurs ont commencé à délaisser les titres de croissance au profit de sociétés axées sur la valeur.

Qu’en est-il des obligations?

Les obligations à court terme et à rendement élevé pourraient profiter d’une certaine marge de manœuvre dans un contexte de hausse des taux. À mesure que les restrictions sont levées et que les pays reprennent progressivement leurs activités, un gestionnaire d’obligations averti pourrait être en mesure de repérer les « anges déchus » du marché des titres à revenu fixe.

Prenons l’exemple des sociétés dont l’obligation a été abaissée par les agences de notation en raison des conditions à court terme causées par la pandémie. Ou encore, la qualité de crédit de sociétés stables et bien capitalisées à l’approche de la pandémie pourrait avoir reculé en raison du secteur dans lequel ces sociétés exercent leurs activités.

Les investisseurs pourraient également tirer parti de la possibilité d’investir dans d’autres types de valeurs mobilières cette année. Les prêts bancaires ont tendance à bien se comporter dans un contexte de hausse des taux, et les titres convertibles – qui ont (généralement) une durée courte et qui présentent certaines caractéristiques s’apparentant aux actions – peuvent aussi ajouter de la valeur aux portefeuilles de titres à revenu fixe, soutenant le rendement global.

Toutefois, comme nous l’avons vu dans l’article Les titres à revenu fixe ne sont peut-être pas morts, comment pouvez-vous cibler ces occasions pour vos clients? La réponse se trouve peut-être dans un produit de titres à revenu fixe mondiaux offrant un accès à l’ensemble du spectre des rendements et du crédit. Durant la prochaine année, la souplesse sera essentielle dans l’univers des titres à revenu fixe.

Naviguer dans des eaux agitées

Bien que personne ne puisse dire avec certitude ce que le reste de 2022 nous réserve, il semble que la grande majorité des banques centrales s’apprêtent à tirer les leviers pour endiguer l’inflation. Ce qui s’accompagnera vraisemblablement d’un contexte de hausse des taux. Le tout dans une période sans précédent. Les marchés ne se sont jamais redressés aussi rapidement qu’après le krach causé par la COVID-19, une situation qui a surpris même les observateurs les plus expérimentés.

Par ailleurs, malgré l’inflation, les dépenses de consommation sont saines. Les craintes liées à la pandémie semblent s’estomper, encourageant la reprise des voyages. Des millions de personnes bénéficiant d’économies supplémentaires amassées durant les confinements pourraient enfin se sentir à l’aise de faire ce voyage reporté. Les dépenses liées aux cartes de crédit ont également augmenté de 20 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie.¹

La dernière fois que la Fed a amorcé un cycle de hausse des taux, la croissance et l’inflation étaient modérées. Il est peu probable que l’économie actuelle puisse être freinée par la hausse des taux. Mais à mesure que les banques centrales relèvent les taux, les portefeuilles pourraient profiter de la conjoncture en effectuant une rotation vers des positions plus axées sur la valeur. En effet, le rendement pourrait être obtenu par les bénéfices et les dividendes réels plutôt que par certains des titres de croissance plus spéculatifs puisque la rotation vers la valeur continue de s’accélérer.

1 Bureau of Economic Analysis/Haver Analytics.

© Manuvie, 2021

RÉSERVÉ AUX CONSEILLERS.

© Manuvie, 2021. Manuvie est l’un des plus importants fournisseurs de services financiers intégrés au Canada; elle propose une grande variété de services et de produits, notamment de l’assurance, des prestations du vivant, des contrats à fonds distincts, des fonds communs de placement, des rentes et des contrats à intérêt garanti. Les personnes et les situations évoquées sont fictives et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées serait pure coïncidence. Le présent document est proposé à titre indicatif seulement. Il n’a pas pour objet de donner des conseils particuliers d’ordre financier, fiscal, juridique, comptable ou autre et les renseignements qu’il fournit ne doivent pas être considérés comme tels. Nombre des points analysés varient selon la province. Tout particulier ayant pris connaissance des renseignements formulés ici devrait s’assurer qu’ils sont appropriés à sa situation en demandant l’avis d’un spécialiste. Sauf erreurs ou omissions. Les Fonds communs Manuvie et les Fonds négociés en bourse Manuvie sont gérés par Investissements Manuvie, division de Gestion d’actifs Manuvie limitée. La souscription de parts ou d’actions de Fonds communs Manuvie et de Fonds négociés en bourse Manuvie peut donner lieu au versement de commissions ou de commissions de suivi ainsi qu’au paiement de frais de gestion ou d’autres frais. Veuillez lire l’aperçu du fonds ainsi que le prospectus des fonds avant d’effectuer un placement. Les Fonds communs Manuvie et les Fonds négociés en bourse Manuvie ne sont pas garantis, leur valeur varie fréquemment et les rendements passés peuvent ne pas se reproduire. Toute somme affectée à un fonds distinct est placée aux risques du titulaire du contrat et peut prendre ou perdre de la valeur. Manuvie, Manuvie & M stylisé, et le M stylisé sont des marques de commerce de La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers et sont utilisés par elle, ainsi que par ses sociétés affiliées sous licence.

La publication Le conseiller averti

La publication Le conseiller averti

Gestion de placements Manuvie

Lire la bio