Économie comportementale : La clé pour soutenir les investisseurs pendant la pandémie

Grande Dépression, crise pétrolière de 1973, éclatement de la bulle technologique, crise financière de 2008 : tous ces épisodes ont marqué l’histoire, en particulier au chapitre de la volatilité du marché. Si chaque crise a eu des particularités, elle a aussi provoqué chez les épargnants des comportements qui ont présenté des similitudes. Pourquoi? Même si ces événements marquants nous ont montré que chaque repli de marché est suivi d’une reprise, pourquoi tant d’investisseurs se retirent-ils du marché pendant les périodes de turbulences, absorbant des pertes et ratant des occasions une fois la reprise amorcée tout en faisant la source oreille à des conseils avisés?

La science de l’économie comportementale peut aider à expliquer ce mode de prise de décision et permettre aux investisseurs de prendre des décisions plus judicieuses pendant la pandémie de COVID-19.

L’épidémie de COVID-19 est différente des crises survenues dans le passé. La volatilité du marché observée en mars 2020 a fait plonger l’indice S&P 500 de 30 pour cent par rapport au sommet enregistré à peine 22 jours plus tôt, ce qui en fait la forte chute la plus soudaine dans les annales. D’un point de vue comportemental, un comportement irrationnel et prévisible a été observé lorsque des sorties de fonds sans précédent de plus de 15 milliards de dollars ont été enregistrées à cause de la pandémie pendant le seul mois de mars. Ces ventes précipitées reflètent ce qui s’est produit dans le passé en période de repli de marché.

Selon les principes de l’économie comportementale, les investisseurs prennent des décisions irrationnelles lorsque les marchés sont volatils en raison de la nature de la neurophysiologie. Nous disposons de deux modes de prise de décision : l’un exige relativement peu d’efforts et est intuitif; l’autre exige des efforts et est très rationnel. Les contraintes de temps, le manque de connaissances et d’énergie, l’influence des émotions et la panique peuvent rendre les gens plus subjectifs dans les périodes de volatilité du marché. Par conséquent, ils prennent des décisions qui sont loin d’être idéales. C’est sur cette prémisse que repose l’économie comportementale.

Bien avant la pandémie de COVID-19, Gestion de placements Manuvie a pris l’initiative d’intégrer l’économie comportementale dans le soutien aux conseillers pour les aider à mieux préparer les épargnants à faire face à la volatilité du marché. En 2018, nous avons fait équipe avec BEworks, un service de consultation commerciale qui se consacre à l’application des principes de l’économie comportementale dans des situations difficiles réelles. L’objectif était d’offrir des programmes de formation, des séminaires et des ressources pour maîtriser l’étude scientifique du comportement humain afin de disposer d’un excellent outil pour mieux comprendre les consommateurs et contrer la prise de décisions de placement malavisées.

Comment les épargnants et les conseillers détectent-ils les biais cognitifs avant de prendre des décisions qui seraient peut-être fâcheuses à long terme? Bien que des centaines de biais puissent être étudiés sous l’angle de l’économie comportementale, voici quatre biais répandus qu’on a observés dans le comportement de l’épargnant au cours des derniers mois.

• L’illusion de contrôle : Ce biais se manifeste lorsque des investisseurs pensent qu’ils maîtrisent une situation dans lesquels ils sont impuissants et satisfont leur besoin de récupérer le contrôle en posant des gestes qui ne sont pas nécessaires. Les actes irrationnels procurent une impression de contrôle qui est tout simplement illusoire. L’anxiété, la panique et la perte de contrôle s’emparent des investisseurs et il leur est quasi impossible de s’en tenir à leur plan.
• La fausse perception de la représentativité : Les investisseurs peuvent croire que le rendement actuel de leurs placements représente leur rendement futur. Ce biais se manifeste en général lorsque les investisseurs sont sensibles aux manchettes. Une fausse perception de la représentativité peut les amener à penser que les rendements récents représentent les rendements futurs malgré la preuve du contraire. Les émotions négatives s’intensifient ordinairement lorsqu’une fausse perception de la représentativité entre en jeu.
• L’aversion pour les pertes : Nous ressentons la douleur d’une perte avec plus d’acuité que le plaisir d’un gain équivalent. C’est pourquoi il est fréquent, par exemple, que les investisseurs laissent des fonds dans un compte d’épargne qui rapporte moins que le taux d’inflation. En période de volatilité du marché, les épargnants ayant une aversion pour les pertes sont souvent prêts à assumer un risque pour éviter une perte potentielle, mais ne le sont pas pour obtenir un gain potentiel équivalent.
• L’excès de confiance : En période d’instabilité du marché, les épargnants peuvent surestimer leurs connaissances ou leurs compétences. Ils se méprennent sur leur expertise. Une étude de 2018 a révélé que 55,4 pour cent des personnes qui se considéraient comme des « experts » en placements ont obtenu une note inférieure à la moyenne à un test mettant leur expertise à l’épreuve¹.

Les épargnants n’ont habituellement pas conscience de leurs biais cognitifs et de leur incidence sur leur bien-être financier. Le recours à un conseiller qui comprend les fondements scientifiques du comportement permet aux épargnants de prendre du recul et de devenir des observateurs impartiaux. Ensemble, épargnants et conseillers peuvent trouver des solutions et créer une feuille de route afin d’atteindre des objectifs à long terme.

La compréhension des biais cognitifs qui expliquent le comportement de l’épargnant est la première étape pour aider les clients à éviter de prendre des décisions irrationnelles. En temps de crise, il est fréquent que les investisseurs ne tiennent pas compte de l’avis de leur conseiller à cause des émotions qui entachent leurs décisions. Lorsque cela se produit, les conseillers peuvent recourir à différentes techniques et stratégies comportementales pour amener leurs clients à prendre des décisions de placement éclairées qui pourraient avoir des conséquences profondes pour leur plan financier global.

Dans le cadre d’une récente étude de BEworks² et Gestion de placements Manuvie, 84 pour cent des participants ont répondu qu’ils avaient un conseiller. Fait plus intéressant encore, les répondants qui avaient un conseiller financier se sont comportés de façons très variables à l’égard des conseils reçus : seulement 15 pour cent d’entre eux ont déclaré qu’ils laissaient leur conseiller prendre toutes les décisions. Cette observation confirme l’importance de mesurer non seulement le recours à un conseiller, mais également l’attitude des clients à l’égard des conseils qu’ils reçoivent, pour tenter de déterminer la valeur des conseils. De plus, les résultats de cette étude montrent que l’économie comportementale fait croître la rigueur avec laquelle les investisseurs suivent les conseils financiers qu’ils reçoivent d’un professionnel et augmente les avantages du recours à un conseiller.

En période de crise, le rôle des conseillers évolue. En général, ce n’est pas le portefeuille qu’il faut aider, mais l’épargnant. Il devient encore plus important que les conseillers aient des conversations ouvertes et empreintes d’empathie avec leurs clients pour avoir la certitude d’entretenir une relation de confiance. Le recours aux techniques de l’économie comportementale ci-dessous dans ces entretiens pourrait être le meilleur moyen de dissuader un client de prendre des décisions potentiellement malavisées.

• Des règles faciles à retenir : Le gros bon sens permet aux épargnants de mieux retenir l’information et s’en servir en période de repli de marché. Il importe que les règles soient simples, qu’elles ne nécessitent aucune action et qu’elles soient faciles à retenir – par exemple « Lorsque les cours diminuent, les occasions de tirer parti de la situation augmentent habituellement » ou « Tous les titres sont à vendre, allons à la chasse aux aubaines et repérons des titres de valeur à long terme ».
• Mise en perspective des pertes et des objectifs à long terme : En présentant les gains sacrifiés comme s’ils constituaient une perte, les conseillers peuvent aider leurs clients à braver les replis de marché à court terme. Par exemple, le fait d’avoir vendu 90 $ un titre qui a grimpé par la suite à 110 $ représente en fait une perte de 20 $. De plus, le fait d’encourager le client à vérifier le rendement de son portefeuille moins souvent ou dans son ensemble atténue son anxiété et réduit les mauvaises décisions qu’il prendrait peut-être s’il consultait chaque jour l’état de son portefeuille.
• Accessibilité de l’information : Il peut être utile de rappeler gentiment à l’ordre les investisseurs qui semblent être sujets à un excès de confiance en leur demandant de nommer quelques-uns des spécialistes de la synchronisation des marchés parmi les experts des marchés boursiers les plus connus. Il est probable que ces clients ne pourront fournir aucune réponse et qu’ils reconsidéreront une mauvaise décision. Lorsque les gens connaissent peu un sujet, ils ont tendance à croire l’information qu’ils obtiennent facilement. Plus il est difficile de trouver de bonnes raisons de faire une chose, moins l’argument initial est convaincant.

Même si un conseiller maîtrise et applique toutes les techniques de l’économie comportementale mentionnées précédemment, il arrive que l’anxiété et la panique prennent quand même le dessus en situation de stress. Les conseillers qui disposent des outils et des ressources nécessaires pour obtenir le meilleur résultat possible en période d’incertitude sont mieux à même de gérer les relations avec leurs clients dans les périodes difficiles. L’application des principes de l’économie comportementale rehausse non seulement la valeur des conseils financiers, mais peut aussi aider à protéger le style de vie des Canadiens et leurs objectifs de placement. À l’avenir, il serait bon de ne pas attendre un repli de marché pour réagir. Dans ce cas, la meilleure défense est une solide offensive.