Tout ce qui brille n’est pas or–les obligations à rendement réel pourraient ne pas remplir leurs promesses

L’inflation, c’est comme le dentifrice : une fois sorti du tube, on peut difficilement l’y remettre.

– Karl Otto Pohl

Nous répondons à de nombreuses questions sur les obligations à rendement réel (ORR) et sur la façon dont elles peuvent servir à compenser une partie du risque lié à l’inflation dans un portefeuille de titres à revenu fixe. L’inflation semble sur toutes les lèvres et au cœur des préoccupations de tout un chacun. Une recherche de ce mot sur Google Actualités a généré plus de soixante-douze millions de résultats, et selon Google Trends, ce terme de recherche n’a jamais été aussi populaire auprès des Canadiens.

Il ne s’agit pas d’un enjeu qui concerne uniquement le Canada. Au début de novembre, l’indice de l’Université du Michigan sur la confiance des consommateurs a chuté à son plus bas niveau en dix ans. La baisse de confiance des consommateurs a été attribuée à une augmentation des prix des biens de consommation et à la conviction grandissante selon laquelle les politiques en vigueur ne juguleraient pas efficacement la montée de l’inflation.

Aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation (IPC) a dépassé les estimations consensuelles en octobre, atteignant 6,2 % comparativement à l’année dernière et, peut-être plus surprenant encore, 0,9 % sur un mois. Mais devrions-nous nous en étonner? Après tout, la COVID-19 circule toujours et gagne beaucoup de terrain dans certaines régions du monde, ce qui continue de perturber les chaînes d’approvisionnement. La hausse des prix des aliments et de l’essence a également stimulé l’inflation.

Depuis la fin de l’année dernière, notre équipe a adopté un point de vue non consensuel à l’égard de l’inflation, car nous nous attendions à ce qu’elle soit durable et non passagère. La conviction générale était que l’inflation observée plus tôt cette année était attribuable en grande partie à des effets de base et qu’elle se renverserait une fois ces effets disparus. Dans notre article intitulé « Le consensus continue de croire que l’inflation est passagère … mais l’est-elle vraiment? », nous avons affirmé que les effets de base n’étaient pas les seuls facteurs en cause et qu’au fil de la réouverture économique mondiale, la forte hausse de la demande exacerberait les pressions inflationnistes.

Mais que signifie passagère?

Le problème est que l’expression « passagère » n’a jamais été vraiment définie. Renvoie-t-elle aux attentes à l’égard de la durée ou du niveau? Nous sommes portés à croire que de nombreux intervenants sur le marché ne s’attendaient pas à ce que l’inflation demeure supérieure à 5 % après la disparition des effets de base liés à la récession, et encore moins à ce qu’elle grimpe à son niveau récent. Même si nous croyons que l’inflation a atteint son sommet, ou s’en approche, nous ne pensons pas que la baisse sera immédiate ou aussi importante que certains l’estiment.

Notre modèle d’inflation tient compte de quatre facteurs : le prix du pétrole (mesuré par le West Texas Intermediate ou WTI); les salaires (mesurés par l’Atlanta Fed Wage Tracker); les coûts du logement (mesurés par l’équivalent loyer des propriétaires) et le dollar américain (mesuré par l’indice DXY). Lorsque nous utilisons, aux fins de nos prévisions, les niveaux observés avant la pandémie (ce qui nous semble une approche prudente), nous constatons que l’inflation devrait rester supérieure à 3 % pendant la première moitié de 2022 et au-dessus de 2,5 % durant le troisième trimestre. Autrement dit, l’inflation devrait passer de la une des journaux aux faits divers à mesure que nous progresserons en 2022.

IPC comparativement à l’année dernière et modèle d’inflation de l’équipe
Stratégie des marchés des capitaux
De 1998 à octobre 2022 (avec prévisions)

Le graphique illustre la corrélation positive entre l’indice des prix à la consommation comparativement à l’année dernière et le modèle d’inflation de l’équipe Stratégie des marchés des capitaux, de 1998 à octobre 2021. Le graphique comprend des prévisions jusqu’en octobre 2022.
Sources : Équipe Stratégie des marchés des capitaux, Bloomberg, au 31 octobre 2021.

Si les consommateurs craignent que les prix de certains biens ne soient plus abordables, les investisseurs cherchent quant à eux à protéger leur portefeuille contre l’inflation, en particulier le volet de titres à revenu fixe. Le problème est que ce qui fonctionne en théorie pourrait ne pas fonctionner dans la pratique.

La théorie et la pratique

L’investisseur qui opte pour des obligations peut chercher à se protéger contre certains risques, dont ceux associés à la volatilité des marchés ou à l’inflation. Cependant, il continue de s’exposer à d’autres risques, comme le risque de liquidité, le risque de crédit et le risque de taux d’intérêt ou de durée.

Les obligations à rendement réel sont des obligations gouvernementales conçues pour protéger les investisseurs contre les effets de l’inflation. Leur valeur nominale et leurs versements d’intérêts sont liés à l’indice des prix à la consommation et rajustés deux fois par année, ce qui vous permet de conserver votre pouvoir d’achat pendant la durée de l’obligation. C’est là que la théorie et la pratique commencent à diverger. La grande majorité des investisseurs n’achètent pas d’obligations individuelles qu’ils détiennent jusqu’à leur échéance. Ils sont plutôt susceptibles d’investir dans un fonds ou un FNB semblable à l’indice des obligations à rendement réel FTSE Canada, qui regroupe de nombreuses obligations assorties d’échéances et de taux de rendement différents. Par conséquent, les investisseurs pourraient ne pas profiter pleinement de la protection contre l’inflation qu’offre un titre en particulier.

Le risque associé à un placement dans des obligations à rendement réel est le risque de taux d’intérêt ou de durée, car ces titres ont une durée assez longue. À la fin d’octobre, la durée de l’indice des obligations à rendement réel était d’un peu moins de 16 ans. Les obligations dont la durée est plus longue ont tendance à inscrire une contre-performance lorsque les taux de rendement augmentent. Parfois, elles dégagent de bons résultats lorsque l’inflation grimpe considérablement–ce fut le cas de 2008 à 2011 (ligne corail dans le graphique ci-dessous), mais cette période a aussi été marquée par une baisse des taux de rendement (ligne bleue). De novembre 2008 à décembre 2011, l’indice des obligations à rendement réel FTSE Canada a dégagé un rendement annualisé de 17,2 %. C’était la période de reflation qui a suivi la grande crise financière, mais ce contexte ne s’est pas répercuté sur les obligations gouvernementales en raison de l’intervention des banques centrales. Les taux de rendement sont restés faibles et ont même reculé.

Indice des obligations à rendement réel FTSE Canada, taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans et IPC du Canada
De 2008 à 2011

Ce graphique compare l’indice des obligations à rendement réel FTSE Canada au taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada et à l’indice des prix à la consommation du Canada, de janvier 2008 à décembre 2011.
Sources : Équipe Stratégie des marchés des capitaux, Bloomberg, au 31 décembre 2011.

Cependant, en général, lorsque l’inflation augmente, les taux de rendement des obligations à long terme progressent de façon proportionnelle, comme nous l’avons observé au cours de la période actuelle, et les ORR sont à la traîne (ligne verte dans le graphique ci-dessous). Cette contre-performance peut être attribuée à la longue durée des ORR. Le contexte actuel se caractérise par une hausse de l’inflation, mais aussi par une hausse des taux de rendement, ce qui se traduit par une contre-performance des ORR. Du début de l’année jusqu’à la fin d’octobre, l’inflation est passée de 0,7 % comparativement à l’année dernière à 4,7 %, et le taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans a plus que doublé, passant de 0,675 % à 1,721 %. Néanmoins, l’indice des obligations à rendement réel FTSE Canada a été l’un des indices obligataires les moins performants, avec un repli de 5,9 %. Les ORR ne protègent que contre l’inflation, pas contre une hausse des taux. Une hausse des taux aura un effet négatif sur le placement qui l’emportera sur l’incidence positive de la protection contre l’inflation.

Indice des obligations à rendement réel FTSE Canada et taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans, depuis 2019

Ce graphique compare l’indice des obligations à rendement réel FTSE Canada au taux de rendement des obligations du gouvernement du Canada, de décembre 2019 à octobre 2021.
Sources : Équipe Stratégie des marchés des capitaux, Bloomberg, au 31 octobre 2021.

En matière d’obligations à rendement réel, il semble que le choix du moment soit primordial et que le rendement soit davantage lié aux taux de rendement qu’à l’inflation réelle. Ce que vous voyez n’est pas toujours ce que vous obtenez.

Kevin Headland, CIM
Co-stratège en chef des placements
Gestion de placements Manuvie

L’augmentation des taux d’intérêt entraîne généralement la diminution des cours obligataires. Plus la durée moyenne des obligations détenues dans un fonds est longue, plus le fonds risque d’être sensible aux fluctuations des taux d’intérêt. Le rendement d’un fonds fluctue en fonction de la variation des taux d’intérêt.

Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un fonds.

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Kevin Headland, CIM

Kevin Headland, CIM, 

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Macan Nia, CFA

Macan Nia, CFA, 

Co-stratège en chef des placements

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