De l’ampleur des marchés baissiers

Cette période de volatilité inhabituelle permettra de faire le tri entre les gestionnaires de placements et ceux qui se contentent d’accumuler des actifs (...) et ce sont les compétences en matière de gestion des risques qui permettront de les distinguer.
— Mohamed El-Erian
J’ai vu passer cette citation sur LinkedIn la semaine dernière. Elle correspond selon moi parfaitement à ce que mon équipe et les gestionnaires de portefeuille de Gestion de placements Manuvie s’attachent à réaliser quotidiennement pour le compte de nos clients, soit gérer les risques, garder le cap sur nos processus respectifs et travailler à la réalisation des objectifs de nos clients. En d’autres termes, nous remplissons notre rôle de gestionnaires de placements.
J’ai répondu à la publication de la manière suivante :
Le plus facile, dans ce métier, c’est de toujours être optimiste et d’attendre pour acheter quand les titres baissent. Selon les probabilités, cela fonctionnerait 70 % du temps (les actions montent environ 70 % du temps sur une période de 12 mois, selon les données sur l’indice S&P 500 compilées depuis 1927).
Le plus difficile est de vendre, de prendre ses bénéfices et de renoncer à de futurs gains parce que les fondamentaux ne sont tout simplement pas favorables. C’est cette façon de s’en tenir à son processus et de se laisser guider par les fondamentaux qui constitue la véritable différence entre le gestionnaire de placements et celui qui se contente d’accumuler des actifs. C’est la différence entre excellence et médiocrité. À laquelle des deux voudriez-vous qu’on vous identifie?
Lorsque les actions ont subi leur première baisse de 10 %, nous n’avons pas tapé du poing sur la table en criant « Profitez de la baisse pour acheter! ». C’est parce que les fondamentaux n’allaient pas dans ce sens. Nous avons continué de surpondérer les titres à revenu fixe, parce qu’un rendement de 1 % représente parfois (toujours) 21 % de plus qu’une baisse de 20 %. Même si nous continuons de mettre l’accent avant tout sur les fondamentaux, nous devons en même temps nous demander à quel moment le marché baissier actuel nous offrira un point d’entrée avantageux qui nous permettra d’augmenter la pondération des actions. Une analyse historique des marchés baissiers nous aidera à trouver la réponse.
Pour commencer, nous devons modifier légèrement la définition des marchés baissiers. Pour nous, un marché baissier est une période pendant laquelle le recul du sommet au creux est d’au moins 19 %. Si nous fixons la barre à -19 %, plutôt qu’à -20 % comme dans la définition habituelle, c’est pour obtenir un échantillon plus important. Nous avons constaté que, dans le passé, de nombreux petits marchés baissiers (ou fortes corrections), dont ceux de 2018, 2011 (crise de la dette européenne et rétrogradation de la dette des États-Unis), 1998 (crise monétaire asiatique), 1990-1991 et 1977-1978, n’auraient autrement pas été inclus à l’analyse des marchés baissiers, dans la mesure où ils ont donné lieu à des reculs d’un peu moins de 20 %, soit de 19,8 %, 19,4 %, 19,3 %, 19,9 % et 19,3 % respectivement. Il nous paraît important d’élargir la définition des marchés baissiers pour inclure ces périodes et obtenir une meilleure vue d’ensemble.
Selon cette définition, il s’est produit 11 marchés baissiers (pertes de plus de 19 % du sommet au creux) depuis 1970. De ces 11 marchés baissiers, six ont coïncidé avec une récession (1970, 1973-1974, 1980-1982, 1990-1991, 2000-2002, 2008-2009). Lors des marchés baissiers associés à une récession, le repli a été plus marqué, de l’ordre de 40 % en moyenne du sommet au creux, tandis que, dans le cas des petits marchés baissiers (fortes corrections, la plupart du temps sans récession), la baisse moyenne a été de 22 %. En moyenne, les grands marchés baissiers accompagnés d’une récession se caractérisent par un repli d’environ 20 % supérieur à celui enregistré lors des petits marchés baissiers. En ce moment, nous traversons un important marché baissier accompagné d’une récession.
À la fin du mois de mars, 3,38 milliards de personnes dans le monde avaient reçu une consigne ou un ordre de confinement dans le but de lutter contre la COVID-19; cela correspond à plus de quatre personnes sur 10 à l’échelle mondiale. Ces mesures d’atténuation provoqueront selon nous une récession mondiale au cours des prochains mois. Le marché a enregistré une baisse du sommet au creux d’environ 35 % sous l’effet de la COVID-19, avant d’afficher un redressement d’environ 15 % par rapport à son creux du 23 mars. Le pire est-il derrière nous? Au vu des données historiques, même si nous pensons que le plus gros de la baisse est probablement passé, le marché risque de perdre encore du terrain.
Si l’on considère que nous traversons actuellement un marché baissier accompagné d’une récession et si nous évitons de céder à la mentalité consistant à profiter de la moindre baisse pour acheter qui a caractérisé le comportement des investisseurs (et donné de bons résultats, il faut bien l’admettre) ces 10 dernières années, nous devons alors nous demander à quel moment à partir du sommet nous devons songer à recommencer à augmenter la pondération des actions, en supposant, bien sûr, que les fondamentaux soient propices.
Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur les précédents marchés baissiers de ce type et en avons regardé à quoi ressemblaient les rendements un an, deux ans et trois ans après un repli boursier de 10 %, 20 %, 30 %, 40 % et 50 % par rapport au sommet. Le tableau suivant fait ressortir les opportunités d’achat pour chaque période. Ce que l’on observe, c’est qu’en période de marché baissier très prononcé (2008-2009, 2000-2002 et 1973-1974), les véritables occasions d’achat (qui ont donné des gains un ou deux ans plus tard) ne se sont pas manifestées avant que les actions n’aient perdu 30 % ou plus par rapport à leurs sommets respectifs. Lors des marchés baissiers moins prononcés (1990-1991, 1980-1982 et 1970), les occasions d’achat se sont manifestées plus tôt, après un recul de 10 %. Comme nous l’avons indiqué plus haut, nous sommes probablement dans un grand marché baissier. Le tableau ci-dessous montre donc qu’en période de marché baissier accompagné d’une récession, il est prudent d’attendre et de ne pas se ruer sur les marchés dès les premiers replis. C’est apparemment lorsque les actions ont perdu 30 % ou plus que le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Enfin, il convient de se montrer réaliste quant aux temps qu’il faudra au marché boursier pour se redresser. On entend dire que les marchés pourraient rebondir rapidement une fois que l’activité économique se sera normalisée. Certains pensent même que le marché pourrait renouer avec son sommet précédent d’ici la fin de l’année. Nous ne partageons pas cet avis, et ce pour deux raisons. Premièrement, les fondamentaux ne justifiaient pas les niveaux atteints par les marchés en février; un retour à un tel niveau de surévaluation paraît donc peu probable. Et deuxièmement, du point de vue historique, les marchés boursiers rebondissent rarement de façon fulgurante. Les commentateurs aiment utiliser des lettres pour qualifier la reprise de l’économie et du marché boursier; j’ai entendu parler de reprises en V, en U, en W ou en L. Je ne souscris pas à ces définitions, mais, si je le devais, je dirais que la reprise du marché boursier pourrait ressembler à un V qui aurait perdu de l’énergie en chemin, ce qui correspondrait à une chute brutale, suivi d’une reprise plus lente ou, plutôt, d’une période de récupération progressive, qui s’étalerait sur une plus longue période. Les épargnants seraient bien avisés d’en tenir compte dans leurs attentes.
Considérons maintenant le temps qu’il a fallu aux investisseurs qui auraient investi après un repli des actions durant les précédents marchés baissiers, accompagnés d’une récession ou pas, pour rentrer dans leur argent. Le graphique ci-dessous indique le nombre de jours médian et moyen qu’il a fallu à un épargnant pour rentrer dans son argent après avoir investi quand le marché avait baissé de 10 %, 20 %, 30 %, 40 % et 50 %. Par exemple, après un recul de 10 % par rapport au sommet, il a fallu en moyenne environ 730 jours de bourse pour récupérer sa mise dans le cadre d’un marché baissier accompagné d’une récession, contre 138 lors d’un marché baissier sans récession. Dans la mesure où il y a environ 250 jours de bourse dans une année, un placement acheté au terme de la baisse de 10 % initiale d’un marché baissier accompagné d’une récession ne rapporterait probablement rien avant près de trois ans.
Les conditions actuelles sont selon nous compatibles avec une récession et le marché baissier que nous traversons peut donc être considéré de type récessionniste. Les marchés n’évoluent pas en ligne droite; au cours du marché baissier, il faut s’attendre à des reprises ponctuelles, suivies de périodes au cours desquelles les actions reviendront tester leurs creux précédents ou tomberont même plus bas. Il convient également d’être réaliste quant au temps qu’il faudra aux actions pour se redresser. Lors de l’éclatement de la bulle Internet, nous avons connu six reprises ponctuelles (pour une reprise totale de plus de 20 %) au cours de ce marché baissier dont le repli du sommet au creux a été de 49 %. Trop de gens pensent que le marché se redressera d’ici la fin de l’année. Ce n’est pas ce que l’histoire nous enseigne. Ce qu’elle montre, en revanche, c’est, qu’à partir de ces niveaux, les investisseurs enregistrent des gains après un, deux ou trois ans.
C’est pour ces raisons et pour d’autres éléments fondamentaux que nous commençons à nous montrer plus optimistes à l’égard des actions. Et, même si nous continuons de les sous-pondérer au sein de notre portefeuille modèle, à partir de ce trimestre, nous commençons à profiter des anomalies de cours et avons réduit la pondération des titres à revenu fixe de 5 % au profit des actions. Notre portefeuille modèle compte désormais (en date de la fin du premier trimestre) 55 % d’actions et 45 % de titres à revenu fixe. Les occasions ont toujours un coût. En ce moment, il faut de la patience pour en profiter. Nous pensons que cette patience finira par payer.
Renseignements importants
L’augmentation des taux d’intérêt entraîne généralement la diminution des cours obligataires. Plus la durée moyenne des obligations détenues dans un fonds est longue, plus le fonds risque d’être sensible aux fluctuations des taux d’intérêt. Le rendement d’un fonds fluctue en fonction de la variation des taux d’intérêt.
Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un fonds.
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