La Fed a réduit les taux, mais cela soutiendra-t-il les bénéfices?

Sans grande surprise pour le marché, la Réserve fédérale des États-Unis a réduit les taux d’intérêt pour la première fois depuis décembre 2008. Le Federal Open Market Committee (FOMC) a annoncé une réduction de taux de 25 points de base (pb), ce qui ramène le taux cible entre 2,0 % et 2,25 %. Le marché s’attendait à cette réduction de 25 pb, car le discours des responsables de la Fed a changé au cours de l’année écoulée, prônant d’abord la poursuite potentielle du resserrement, puis une pause dans la hausse des taux d’intérêt et pour finir, la détente actuelle
Cette réduction des taux d’intérêt a été très bien orchestrée, les représentants de la Fed se disant prêts à soutenir la prolongation de la croissance économique, notamment le président Williams, de la Fed de New York, et le président Evans, de la Fed de Chicago.
Nous ne pensons pas que la décision de réduire le taux des fonds fédéraux de 25 pb ait été facile à prendre, compte tenu de la conjoncture économique aux États-Unis. Selon de récentes données économiques, l’économie américaine a connu une croissance annualisée de 3,1 % au premier trimestre et de 2,1 % au deuxième trimestre, le taux de chômage est passé de 4 % en janvier à 3,7 % actuellement et la moyenne mobile sur quatre semaines des inscriptions au chômage reste proche du creux atteint l’année dernière. En fait, selon nous, le communiqué est moins conciliant que le marché l’espérait.
Dans son communiqué, le FOMC a indiqué : « Conformément à son mandat statutaire, le Comité cherche à promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix. Compte tenu des répercussions des événements mondiaux sur les perspectives économiques et des faibles pressions inflationnistes, le Comité a décidé de ramener la fourchette cible du taux des fonds fédéraux entre 2 % et 2,25 %. »
Même si la baisse des taux d’intérêt était attendue, les raisons varient. Certains y voient une réduction préventive, alors que d’autres pensent que c’est le début d’un nouveau cycle d’assouplissement. Puis, il y a ceux du camp de la « reflation ».
L’inflation ou la stabilité des prix, un des deux mandats de la Fed (en plus du plein emploi), est restée inférieure à l’objectif de 2 % – tel que l’indique l’indice des dépenses personnelles de consommation, la mesure de l’inflation privilégiée par la Fed. Le président de la Fed de New York, John Williams, a déclaré que de récentes recherches ont montré que les responsables des politiques devaient « vacciner l’économie et la protéger contre la maladie insidieuse qu’est une inflation trop faible ».
La Fed n’aura peut-être pas besoin d’attendre longtemps une reflation potentielle, car notre modèle d’inflation laisse présager une légère accélération de celle-ci en 2020. Bien que notre modèle se fonde sur l’indice des prix à la consommation, nous pensons que cette faible accélération de l’inflation se reflétera dans l’indice des dépenses personnelles de consommation.
À cet égard, la réduction est perçue comme une mesure de « reflation » pour stimuler l’inflation et servira également de mesure préventive pour soutenir l’expansion économique alors que l’économie mondiale ralentit, entravée par les risques géopolitiques (Iran) et les tensions commerciales (États-Unis/Chine et Japon/Corée du Sud, pour ne citer qu’eux). Le président de la Fed, Jerome Powell, a évoqué la conjoncture mondiale dans un discours prononcé à Paris il y a deux semaines : « Pour remplir nos mandats nationaux dans ce nouveau monde, nous devons comprendre les effets anticipés des interconnexions [à l’échelle mondiale] et en tenir compte dans nos décisions de politique », a-t-il dit.
Si l’inflation suit notre modèle et que les tensions commerciales s’apaisent, cela justifierait un cycle de resserrement très bref par le FOMC. Dans ce scénario, bien que ce ne soit pas ce qui selon nous est le plus probable, nous ne pouvons pas exclure que la Fed se limite à une seule réduction des taux.
Du point de vue des placements, comme cette réduction a été le secret le moins bien gardé des décisions de la Fed et que cette dernière se joint aux nombreuses autres banques centrales qui ont réduit les taux d’intérêt cette année, nous devons nous intéresser à ce qui va suivre et à ce que cette réduction signifie véritablement au sujet des risques qui guettent l’économie américaine d’ici la fin de 2019 et en 2020.
Pour les Canadiens, la probabilité d’une réduction des taux par la Fed a fait grimper le dollar CA ces derniers mois, les marchés obligataires commençant à anticiper une réduction des taux de 25 à 50 points de base par le FOMC et une position probablement attentiste de la Banque du Canada pour le moment. La différence entre le taux de l’obligation du Canada à deux ans et le taux de l’obligation du Trésor américain à deux ans est passée d’un sommet de 80 pb vers la fin du mois d’avril à 22 pb au début du mois de juillet. Le rétrécissement de cet écart a fait grimper le taux de change entre le dollar CA et le dollar US, poussant le huard à un sommet de 0,7675 $ US.
À l’approche de la réunion du FOMC, une réduction de 25 pb est devenue plus probable qu’une baisse de 50 pb. Cela a provoqué un élargissement de l’écart de taux des obligations à deux ans, qui est remonté légèrement au-dessus de 40 pb, inversant la direction du taux de change entre le dollar CA et le dollar US, qui est tombé sous la barre des 0,76 $ US.
Si l’on ajoute l’incidence des prix du pétrole, le modèle de juste valeur de notre équipe indique un taux de change de 0,758 $, ce qui est quasiment le taux actuel. Dans la corrélation entre le taux de change du dollar CA, le prix du pétrole et les taux d’intérêt, les taux ont pesé plus lourd. Cependant, le rapport de force oscille assez rapidement entre le prix du pétrole et les taux d’intérêt. Toutefois, nous sommes d’avis que les taux et le prix du pétrole auront une influence similaire pendant le reste de l’année, faisant baisser le taux de change entre le dollar CA et le dollar US vers 0,74 $ US.
Nous croyons que l’élargissement récent de l’écart reflète l’incertitude et les messages contradictoires entourant l’économie canadienne et la trajectoire des taux de la Banque du Canada. La probabilité que la Banque du Canada suive la Fed et réduise les taux d’intérêt en octobre augmente, mais n’a pas encore été prise en compte par le marché obligataire. Compte tenu des attentes qui misent sur une autre réduction des taux d’intérêt par de la Fed et au moins une réduction par la Banque du Canada, nous nous attendons à ce que l’écart s’élargisse davantage d’ici octobre. En tenant compte d’un écart de 50 pb d’ici octobre, la juste valeur du dollar canadien s’élèverait à 0,7467 $ US, avec une tendance à la baisse si les prix du pétrole brut venaient à reculer.
En ce qui concerne les marchés obligataires, nous pensons que les investisseurs prévoient que la Fed réduira les taux de 50 pb supplémentaires. Nos prévisions de base tablent sur une réduction supplémentaire de la part du FOMC, ce qui entraînera une légère hausse des taux américains. Selon nous, les taux n’augmenteront pas comme ils ont augmenté au deuxième semestre de 2018.
Par le passé, les marchés boursiers américains ont en général progressé après une réduction des taux, mais cela a souvent été dû au fait que la Réserve fédérale des États-Unis entamait un cycle d’assouplissement en période de récession. Nous ne pensons pas que ce soit le cas aujourd’hui. Bien que nous voyions des signes attestant du ralentissement de l’économie mondiale, nous avons du mal à trouver des preuves que le risque de récession augmente, du moins pour le moment. De plus, comme cette réduction des taux a été bien télégraphiée, nous sommes d’avis que les investisseurs du marché boursiers l’ont déjà prise en compte (et en prévoyaient même peut-être une de plus).
Bien que le marché des actions puisse progresser à la suite de cette décision conciliante de la banque centrale, notre équipe ne croit pas qu’il s’agisse d’un signal d’achat. Une réduction des taux peut aider à stimuler l’optimisme du marché à court terme et soutenir une reflation, mais elle ne résout pas les problèmes des investisseurs du marché boursier – les tensions commerciales et la faible croissance des bénéfices.
Le commerce mondial, la fabrication et les stocks ont baissé depuis le début de 2018. Le secteur manufacturier, représenté par les indices des directeurs d’achats (PMI), a été touché par les tensions commerciales. L’indice PMI de l’Institute for Supply Management a été un indicateur fiable de la croissance future des bénéfices de l’indice S&P 500. À son niveau actuel, il suggère une croissance des bénéfices sur 12 mois au plus de l’ordre de 5 % pour les deux prochains trimestres, et même peut-être moins.
Le rendement des actions est fonction des bénéfices et des valorisations. Toute reprise du marché sera probablement soutenue par une augmentation du ratio cours-bénéfice et non par l’amélioration des perspectives de croissance des bénéfices. Sans preuve substantielle que les fondamentaux ont touché leur creux et commencent à redevenir positifs – ce qui selon nous n’est pas le cas – nous pensons qu’il est prudent de réduire le risque et de profiter de toute reprise pour vendre, jusqu’à ce que des preuves suggèrent le contraire.
Nous pensons que les investisseurs ont en partie obtenu ce qu’ils voulaient, mais que la Fed les laisse tout de même sur leur faim. Le FOMC a procédé à une réduction des taux de 25 pb et a adopté un ton reflétant les inquiétudes suscitées par l’économie mondiale. Cependant, nous ne croyons pas que la Fed se soit engagée à réduire davantage ou rapidement les taux d’intérêt, à moins d’une grande faiblesse de l’économie. Nous pensons que la conjoncture reste peu propice à la croissance des bénéfices à l’échelle mondiale et, par conséquent, à la bonne performance des marchés (aussi à l’échelle mondiale) pour les 6 à 12 prochains mois. Pour le moment, nous sommes peut-être revenus à une conjoncture mouvementée, ennuyeuse et qui produira des rendements inférieurs à la moyenne.
Renseignements importants
Renseignements importants
L’augmentation des taux d’intérêt entraîne généralement la diminution des cours obligataires. Plus la durée moyenne des obligations détenues dans un fonds est longue, plus le fonds risque d’être sensible aux fluctuations des taux d’intérêt. Le rendement d’un fonds fluctue en fonction de la variation des taux d’intérêt. Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un fonds.
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