Lorsqu’un Cygne noir tombe sur un déversement de pétrole

Le marché comporte actuellement de nombreuses pièces mobiles qui causent beaucoup de confusion et de complications. Comme mon grand-père le disait : « trop de pièces, trop de défauts ». Nous parlerons de notre point de vue sur les économies américaine et mondiale dans des billets ultérieurs. Cependant, après les événements de la fin de semaine et la dégringolade des marchés pétroliers hier, je tenais à exprimer le point de vue de l’équipe Stratégie, Marchés des capitaux concernant le Canada, les risques qui guettent l’économie canadienne, le marché boursier, la politique de la Banque du Canada et le huard.

La décision de l’Arabie saoudite de réduire les prix du pétrole et de produire sans restrictions comporte des risques bien précis pour l’économie canadienne. Bien que l’Alberta subira la plus grande partie des répercussions économiques, nous croyons que le choc provoqué par la baisse des prix du pétrole et l’incidence économique à l’échelle mondiale de la propagation du coronavirus auront une incidence négative sur la croissance du PIB au Canada. En d’autres termes, nous sommes d’avis que le risque de récession de l’économie canadienne en 2020 est désormais élevé.

Selon nous, il est fort probable que l’économie canadienne se contracte déjà, selon les données sur trois mois du premier trimestre, en raison des barrages ferroviaires de février et, maintenant, de l’important repli du secteur pétrolier. La faiblesse de l’économie devrait persister au moins jusqu’au deuxième trimestre de 2020. Déjà, les sociétés pétrolières parlent de réduire les dépenses en immobilisations et s’efforcent de consolider leur bilan et de protéger leurs clauses restrictives. Par le passé, les baisses du prix du pétrole brut de cette ampleur ont entraîné de grandes difficultés économiques. Généralement, lorsque le prix du baril de pétrole Western Canada Select perd plus de 20 % sur 12 mois, la croissance de l’économie canadienne est d’en moyenne 0,18 % (sur trois mois, données désaisonnalisées). Cela s’ajoute aux pressions potentielles, suscitées par la perturbation de l’offre et de la demande par la propagation à l’échelle mondiale du coronavirus, sur une économie canadienne déjà en perte de vitesse, comme en témoigne le taux de croissance du PIB sur trois mois de 0,3 % au quatrième trimestre (données désaisonnalisées).

Le graphique montre la variation du prix du baril de pétrole sur 12 mois, mesuré par Western Canada Select, par rapport au PIB sur trois mois au Canada (données désaisonnalisées et annualisées), depuis 2009. Le graphique est organisé de droite à gauche par ordre décroissant de la variation du prix du pétrole. Il existe un lien étroit entre la variation du prix du pétrole et le PIB. À mesure que le prix du pétrole baisse sur 12 mois, le taux de croissance de l’économie canadienne diminue également.

La semaine dernière, la Banque du Canada a annoncé une réduction de 50 pb du taux du financement à un jour. Dans son communiqué, la banque centrale a indiqué ce qui suit :

L’épidémie causée par le COVID-19 représente une menace importante pour la santé des gens dans un nombre croissant de pays. Par conséquent, l’activité commerciale dans certaines régions a fortement chuté et les chaînes d’approvisionnement ont été perturbées. Cela a fait baisser les prix des produits de base et le dollar canadien. Les marchés mondiaux réagissent à la propagation du virus en réévaluant le risque associé à un large éventail d’actifs, ce qui resserre les conditions financières. Il est probable que la propagation du virus pèsera sur la confiance des entreprises et des consommateurs, ce qui ralentira davantage l’activité. 

Bon, c’était la semaine dernière, avant le choc des prix du pétrole. Qu’allez-vous faire pour moi aujourd’hui?

Nous ne croyons pas que les taux d’intérêt canadiens actuels reflètent le risque économique ni le fait que la Banque du Canada pourrait prendre d’autres mesures. Nous pensons que la Banque du Canada suivra la Fed et procédera à d’autres réductions des taux, dont le nombre et l’ampleur dépasseront peut-être celles de la Fed. Nous sommes d’avis que les répercussions économiques des mesures de confinement à l’échelle mondiale et du choc causé par les prix du pétrole auront une plus grande incidence sur l’économie canadienne que sur l’économie américaine. La Banque du Canada devra à nouveau réduire les taux de manière significative, après l’annonce de la semaine dernière, afin de soutenir l’économie, compte tenu des récents événements. Même si le marché prévoit une réduction supplémentaire de 50 points de base lors de la réunion d’avril, nous pensons que la Banque du Canada devra être encore plus audacieuse. Une réduction de 75 pb, qui porterait le taux du financement à un jour à 50 pb, est probable, celui-ci pouvant baisser encore au cours de l’été.

La chute des prix du pétrole et des taux d’intérêt a fait reculer le dollar canadien d’environ 4 % au cours des derniers jours; le taux de change est actuellement d’environ 0,7272 $ US (au moment de la rédaction du présent billet). Nous pensons que le huard pourrait encore perdre de la valeur et s’échanger à 0,70 $ US (ou 1,428 $ CA), si la réduction des taux est plus marquée au Canada qu’aux États-Unis. Ce qui est intéressant est que notre modèle de juste valeur suggère que la corrélation entre le dollar canadien et l’écart de taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis n’existe plus. Le huard a retrouvé son statut de pétrodollar. Ainsi, en supposant que la guerre des prix du pétrole persiste au cours des deux prochains trimestres, et étant donné que selon nous la Banque du Canada pourrait devoir se montrer plus audacieuse que la Fed en matière de réduction des taux, nous pensons que le dollar canadien pourrait évoluer dans une fourchette allant de 0,695 $ US (1 439 $ CA) à 0,755 $ US (1,324 $ CA).

Le graphique montre la corrélation sur trois mois entre le taux de change $ CA/$ US et le prix du pétrole, mesuré par le West Texas Intermediate, ou l’écart entre le taux des obligations américaines à 2 ans et le taux des obligations canadiennes à 2 ans, depuis 2016. L’ampleur de la corrélation entre le prix du pétrole ou l’écart entre les taux obligataires à 2 ans et le taux de change varie au fil du temps. Récemment, ce sont les prix du pétrole qui ont le plus pesé sur le taux de change $ CA/$ US, à près de 90 %, tandis que le différentiel de taux d’intérêt est passé d’une corrélation de 40 % à une corrélation de moins de 10 %.
Le graphique montre la variation des prix du pétrole sur 12 mois, mesurés par le West Texas Intermediate, par rapport à la variation du bénéfice par action de l’indice S&P/TSX sur 12 mois (décalage de trois mois), depuis 1995. La fluctuation des prix du pétrole et l’orientation de la croissance des bénéfices sont étroitement liées. À mesure que les prix du pétrole chutent, la croissance des bénéfices a tendance à chuter avec un décalage de trois mois. Le graphique suppose que si le prix du pétrole s’établissait en moyenne à 40 $ au cours des neuf prochains mois, la croissance des bénéfices des sociétés de l’indice S&P/TSX chuterait d’environ 30 %.

Au début de l’année, nous préférions le marché boursier canadien au marché boursier américain, en raison de ses meilleures perspectives de croissance des bénéfices et de ses valorisations plus intéressantes. Nous n’avons pas changé d’avis lorsque les marchés ont commencé à reculer et notre opinion a été soutenue par les résultats de l’indice composé S&P/TSX, qui étaient supérieurs à ceux de l’indice S&P 500 jusqu’à vendredi. Cependant, en raison de la baisse des prix du pétrole, nous avons maintenant changé d’avis. Par le passé, une baisse des prix du pétrole semblable à celle observée ces derniers jours a eu une incidence négative sur les bénéfices des sociétés de l’indice S&P/TSX (voir ci-dessus). Compte tenu de la probable persistance de la faiblesse des prix du pétrole, les bénéfices seront lourdement revus à la baisse. Ainsi, il est peu probable que les actions canadiennes aident à amortir le recul des actions américaines et internationales comme, selon nous, c’était le cas avant la fin de semaine dernière. Du point de vue de la répartition de l’actif, nous pensons que le potentiel de hausse et le risque de baisse des actions internationales, américaines et canadiennes est à peu près le même pour les 12 prochains mois et, par conséquent, nous ne privilégions pas certaines par rapport aux autres pour le moment.

Que se passe-t-il lorsqu’un cygne noir tombe sur un déversement de pétrole? Nous en sommes témoins actuellement.

L’augmentation des taux d’intérêt entraîne généralement la diminution des cours obligataires. Plus la durée moyenne des obligations détenues dans un fonds est longue, plus le fonds risque d’être sensible aux fluctuations des taux d’intérêt. Le rendement d’un fonds fluctue en fonction de la variation des taux d’intérêt.

Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un fonds.

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Kevin Headland, CIM

Kevin Headland, CIM, 

Co-stratège en chef des placements

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Macan Nia, CFA

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