Budget 2018 – Ouf, cela aurait pu être bien pire...

Idées et actualités
Le 27 février 2018, le ministre des Finances, Bill Morneau, a déposé le troisième budget fédéral du gouvernement libéral majoritaire. Le budget 2018 n’annonce pas de changement des taux d’imposition que ce soit pour les particuliers ou les entreprises, et confirme les réductions des taux d’imposition des sociétés antérieurement annoncées. La grande nouvelle, c’est que les propositions à l’égard des placements passifs sont meilleures que prévu. Les propositions initiales ont été grandement diluées – le gouvernement a entendu les 21 000 commentaires et a simplifié et resserré son approche.
Voici un résumé des mesures susceptibles d’intéresser les conseillers en placement et en assurance.
Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés
Détention de placements passifs dans une société privée
Les propositions fiscales relatives aux sociétés privées publiées en juillet 2017 comprenaient des mesures visant à traiter du nombre grandissant de propriétaires d’entreprises détenant des placements passifs dans leur société, où ils bénéficient d’un avantage de report d’impôt comparativement à la distribution des actifs de la société suivi de placements personnels. Plutôt que d’éliminer l’accès aux impôts remboursables comme il était proposé en juillet 2017, le gouvernement présente deux nouvelles mesures visant à limiter les avantages du report découlant de la détention de placements passifs dans une société.
Plafond des affaires- Déduction pour petites entreprises
La première mesure propose de limiter la capacité des entreprises touchant un revenu de placement passif important de bénéficier du taux d’imposition des petites entreprises. Le plafond des affaires actuel aux fins de la déduction pour petites entreprises permet qu’une tranche allant jusqu’à 500 000 $ du revenu tiré d’une entreprise exploitée activement soit assujettie au taux d’imposition des petites entreprises le moins élevé (que le gouvernement propose de réduire de 10,5 % à 10 % en 2018, puis à 9 % en 2019), par rapport au taux d’imposition général des sociétés qui est de 15 % à l’échelle fédérale à l’heure actuelle.
En vertu de la proposition, si une société (et ses sociétés associées) touche des revenus de placements passifs de plus de 50 000 $ au cours d’une année, le montant du revenu admissible au taux d’imposition des petites entreprises serait progressivement réduit. Il est proposé que le plafond des affaires soit réduit de 5 $ pour chaque 1 $ de revenu de placement passif excédant le seuil de 50 000 $, de manière à ce que le plafond des affaires soit réduit à néant à compter d’un revenu de placement passif de 150 000 $.
Par exemple, si une société privée sous contrôle canadien (SPCC) touche un revenu de placement passif de 100 000 $, son plafond des affaires serait réduit à 250 000 $ (500 000 $ – (excédant de 50 000 $ X 5 $)). Si la société tire un revenu d’une entreprise exploitée activement de 200 000 $, elle ne sera pas touchée par la réduction de la limite pour petite entreprise. La totalité du montant de 200 000 $ sera imposée au taux d’imposition des petites entreprises. Toutefois, si la société tire un revenu d’une entreprise exploitée activement de 325 000 $, elle ne bénéficiera du taux d’imposition des petites entreprises que sur la première tranche de 250 000 $ de ce revenu. La tranche restante de 75 000 $ (325 000 $ – 250 000 $) sera imposée au taux d’imposition général plus élevé des sociétés.
En ce qui a trait à une société de portefeuille qui détient uniquement des placements et qui n’a pas de lien avec une entreprise exploitée activement, il n’y a pas de changement quant à l’imposition des placements passifs et à la distribution de ce revenu. Il s’agit d’un changement important et bien accueilli par rapport aux propositions initiales. Même s’il y avait une incidence, elle ne toucherait que le taux d’imposition appliqué au revenu d’entreprise exploitée activement. Pas de suivi, pas de comptes, pas de droits acquis sur les actifs existants, mais cela est une bonne chose!
Les revenus de placement seront déterminés selon un nouveau concept de « revenu de placement total ajusté » qui n’inclura pas les gains en capital tirés de la vente d’un bien utilisé dans une entreprise exploitée activement ni de la vente d’actions d’une entreprise exploitée activement qui est liée à la société, et le revenu de placement accessoire d’une entreprise exploitée activement. Le revenu de placement total ajusté inclura les dividendes de sociétés non rattachées et le revenu tiré des épargnes dans un contrat d’assurance vie non exonéré. Les gains tirés de la cession d’un contrat exonéré et le revenu tiré de rentes détenues par des sociétés privées sont inclus, mais, encore ici, rien ne change quant à l’imposition de ces montants, sauf que ce revenu peut avoir une incidence sur le plafond des affaires pour petites entreprises.
En ce qui a trait aux choix des placements dans des sociétés, les mêmes règles de base continuent de s’appliquer — l’efficience fiscale et le report fiscal doivent toujours être gardés à l’esprit. En ce sens, les fonds communs de placement en catégorie de société peuvent être attrayants puisqu’ils ne distribuent pas d’intérêts ni de revenu étranger (les types de revenus les moins efficients d’un point de vue fiscal), mais seulement des dividendes canadiens ordinaires ou des gains en capital plus fiscalement avantageux. En outre, la capacité des sociétés d’investissement à capital variable à regrouper les frais et les pertes offre la possibilité de réduire les distributions imposables. Même lorsqu’un revenu est généré de tels placements, il n’y a aucun changement quant à son imposition, seul l’accès au plafond des affaires pour petites entreprises pouvant être touché.
Remboursement de l’impôt sur le revenu de placement
La deuxième mesure touchant le revenu de placement passif limitera les avantages dont les grandes sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) peuvent bénéficier en ayant accès à l’impôt remboursable lors de la distribution de certains dividendes. Le régime fiscal actuel est conçu pour imposer le revenu de placement passif touché par une SPCC à un taux plus élevé, à peu près équivalent au taux maximal d’imposition des particuliers, et rembourser une tranche de l’impôt des sociétés lorsque le revenu de placement passif est distribué à ses actionnaires.
En général, le revenu de placement passif gagné par une SPCC doit être versé à titre de dividende non déterminé. Toutefois, dans la pratique, tout dividende versé par une SPCC peut donner lieu à un remboursement de l’impôt remboursable, sans égard à la source du dividende (c.-à-d., s’il s’agit d’un revenu de placement passif ou d’un revenu d’entreprise exploitée activement imposé à un taux inférieur). Cela signifie que de grandes SPCC pourraient verser des dividendes déterminés imposés à un taux inférieur à partir de leurs revenus d’entreprise exploitée activement imposés au taux général des sociétés, et quand même réclamer le remboursement des impôts payés sur leur revenu de placement passif, conférant ainsi un avantage fiscal.
Afin de mieux harmoniser le remboursement des impôts payés sur le revenu de placement passif avec le versement de dividendes provenant d’un revenu de placement passif, le budget 2018 propose qu’un remboursement d’impôt remboursable ne soit offert que dans les cas où une SPCC verse des dividendes non déterminés. Une exception sera prévue à l’égard de l’impôt remboursable qui provient de dividendes de portefeuille déterminés reçus par une SPCC, auquel cas la société sera toujours en mesure d’obtenir un remboursement de cet impôt remboursable à la suite du versement de dividendes déterminés.
Les mesures relatives au plafond des affaires pour petites entreprises et à l’impôt remboursable s’appliqueront toutes deux aux années d’imposition qui débutent après 2018. Les deux mesures comprennent des règles anti-évitement afin d’empêcher que des transactions qui éviteront les mesures, comme la création d’une année d’imposition écourtée ou dans le cas du plafond des affaires pour petites entreprises, de transfert des actifs à une société liée qui n’y est pas associée.
Fiducies de santé et de bien-être
Une fiducie de santé et de bien-être (FSB) est une fiducie établie par un employeur aux fins d’offrir des soins de santé à ses employés. Le traitement fiscal d’une FSB n’est pas explicitement établi dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Toutefois, l’Agence du revenu (ARC) a publié ses positions administratives à l’égard de telles fiducies. De la même manière, une fiducie de soins de santé au bénéfice d’employés (FSSBE) offre également des soins de santé aux employés, plus particulièrement des régimes collectifs d’assurance maladie ou accident, des régimes privés d’assurance maladie et des contrats collectifs d’assurance temporaire sur la vie. Les règles relatives aux FSSBE ont été ajoutées à la Loi de l’impôt sur le revenu en 2010.
Les règles relatives aux FSSBE de la Loi de l’impôt sur le revenu sont très semblables aux positions administratives de l’ARC concernant les fiducies de santé et de bien-être. Le budget 2018 propose qu’un seul ensemble de règles s’appliquent à ces arrangements. L’ARC n’appliquera plus ses positions administratives concernant les fiducies de santé et de bien-être après la fin de 2020. Des règles transitoires seront ajoutées à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de faciliter la conversion des FSB existantes en FSSBE. En outre, l’ARC n’appliquera pas ses positions administratives concernant les nouvelles fiducies de ce type aux fiducies qui sont établies après le jour du budget et annoncera des lignes directrices administratives transitoires relatives à la liquidation des fiducies de ce genre existantes.
Les parties intéressées sont invitées à présenter leurs commentaires au plus tard le 29 juin 2018. Un projet de loi suivra.
Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers
Le gouvernement propose les mesures fiscales suivantes dans le budget de 2018 :
Régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI) — Détenteurs de régimes admissibles
Lorsque la capacité d’un particulier adulte à conclure un contrat de REEI est mise en doute, le titulaire du REEI du particulier doit être le représentant légal de ce particulier, tel que reconnu en vertu des lois provinciales ou territoriales. Lorsque le particulier adulte n’a pas de représentant légal, il existe une mesure fédérale temporaire afin de permettre à un membre de la famille admissible (c.-à-d., un parent, un époux ou un conjoint de fait) de devenir titulaire du REEI du particulier. La loi prévoyait que cette mesure soit abolie à la fin de 2018.
Le budget 2018 propose de prolonger de cinq ans la mesure temporaire, jusqu’à la fin de 2023.
Crédit d’impôt pour frais médicaux
Le budget 2018 propose d’ajouter à la liste des dépenses admissibles au titre du crédit d’impôt pour frais médicaux les frais engagés relativement à un animal spécialement dressé pour exécuter des tâches pour un patient ayant une déficience mentale grave.
Cette mesure s’appliquera relativement aux dépenses admissibles engagées après 2017.
Déduction des cotisations des employés à la partie bonifiée du Régime des rentes du Québec
Aux fins d’offrir un traitement fiscal cohérent des cotisations au RPC et au RRQ, le budget 2018 propose d’offrir une déduction pour les cotisations des employés (ainsi que de la partie « employé » des contributions consenties par les travailleurs autonomes) à la partie bonifiée du RRQ. Le 21 novembre 2017, le gouvernement du Québec a annoncé que la partie bonifiée des cotisations des employés au RPC et au RRQ sera déductible aux fins de l’impôt sur le revenu du Québec.
Ces mesures commenceront en 2019 et seront entièrement intégrées d’ici 2025.
Crédit d’impôt pour exploration minière à l’égard des investisseurs dans des actions accréditives
Le gouvernement propose de prolonger d’une année l’admissibilité au crédit d’impôt pour exploration minière de manière à inclure les conventions d’émission d’actions accréditives conclues le 31 mars 2019 ou avant.
Cette mesure s’appliquera à compter du jour du budget.
Exigences en matière de déclaration pour les fiducies
Le budget 2018 propose d’obliger certaines fiducies à fournir annuellement des renseignements additionnels et imposera l’obligation de produire une déclaration T3 lorsqu’il n’en existe pas à l’heure actuelle. Les nouvelles exigences s’appliqueront aux déclarations produites pour les années d’imposition 2021 et suivantes.
Les nouvelles exigences en matière de déclaration ne s’appliqueront pas aux fiducies suivantes :
- fiducies de fonds communs de placement, fonds distincts et fiducies principales
- fiducies régies par des régimes enregistrés (c.-à-d., RPDB, RPA, REEI, REER, FERR, CELI);
- comptes de fiducie généraux d’avocats;
- successions assujetties à l’imposition à taux progressifs et fiducies admissibles pour personnes handicapées;
- fiducies admissibles à titre d’organismes sans but lucratif ou d’organismes de bienfaisance enregistrés;
- fiducies existant depuis moins de trois mois ou qui détenaient moins de 50 000 $ en actifs pendant l’année d’imposition (à la condition, dans ce dernier cas, que leurs placements ne se composent que de dépôts, d’obligations gouvernementales et de titres cotés).
Lorsque les nouvelles exigences en matière de déclarations s’appliquent à une fiducie, cette dernière sera tenue de fournir l’identité de tous les fiduciaires, bénéficiaires et constituants de la fiducie, ainsi que l’identité de chaque personne qui possède la capacité (par le mandat de la fiducie ou un accord connexe) d’exercer un contrôle sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou des capitaux de la fiducie.
Les mesures proposées visent à améliorer la cueillette de renseignements sur les propriétaires véritables, ce qui semble être une préoccupation pour le gouvernement et conforme à la tendance mondiale. De même, le ministère des Finances propose de renforcer la disponibilité des renseignements sur les propriétaires véritables en modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
Conclusion
Quel soulagement! Tout cela reste complexe et il sera nécessaire d’analyser les détails. Mais nous bénéficions enfin d’une certaine certitude. On peut continuer à parler des assurances vie et des placements détenus par des sociétés! Les mesures proposées visent les questions qui préoccupaient le plus le gouvernement, soit l’imposition au taux des petites entreprises et les investissements dans des placements passifs. Les conséquences visent maintenant à limiter l’accès au faible taux d’imposition des petites entreprises et non l’imposition des placements passifs eux-mêmes.
Renseignements importants
Les commentaires formulés dans la présente publication ne sont donnés qu’à titre indicatif et ne doivent pas être considérés comme des conseils professionnels d’ordre juridique, fiscal ou autre donnés à l’égard d’un cas précis. Tout particulier ayant pris connaissance des renseignements formulés ici devrait s’assurer qu’ils sont appropriés à sa situation en demandant l’avis d’un spécialiste.