L’influence du biais de récence sur les attentes des marchés à l’égard de l’inflation et des taux

« Après avoir vu un film dont l’histoire porte sur une guerre nucléaire, ils se sont davantage inquiétés d’une guerre nucléaire, puisqu’il leur semblait qu’elle était plus susceptible de se produire. L’extrême volatilité entourant ce que les gens perçoivent comme des probabilités — le fait que leur perception pourrait être affectée par un film de deux heures — en dit beaucoup sur la fiabilité du mécanisme qui évalue ces probabilités. »

– Michael Lewis, The Undoing Project: A Friendship That Changed Our Minds

Biais de récence : biais cognitif qui fait en sorte qu’une personne accorde

Entre 2016 et 2020, l’indice des prix à la consommation aux États-Unis s’est établi à 1,77 % en moyenne sur 12 mois, pour une médiane de 1,80 %. Compte tenu de cette moyenne, la Réserve fédérale américaine (la « Fed ») n’a jamais atteint son taux d’inflation cible de 2,0 % au cours des cinq dernières années. Avant et après la pandémie mondiale, la Fed a indiqué qu’elle serait prête à tolérer un taux d’inflation pouvant dépasser son taux cible de 2 % pendant un certain temps. Cependant, même si la Fed souhaite voir l’inflation augmenter et crée un contexte propice en maintenant des taux d’intérêt à court terme pratiquement nuls, le marché n’envisageait récemment qu’une augmentation temporaire de l’inflation sur 12 mois. Cela coïncidait d’ailleurs avec la faible hausse des taux des obligations à long terme que pressentaient les marchés au début de l’année.

Faut-il penser qu’un biais de récence a modéré les perspectives entourant l’inflation et les taux à la suite de la pandémie mondiale? Qui sait?

Sautons à la mi-mars : le taux des bons du Trésor américain à 10 ans a grimpé de 68 pb pour s’établir à 1,59 %. Le taux des obligations du Canada à 10 ans a grimpé de 85 pb pour atteindre 1,52 %. Le faux sentiment de sécurité que donne le biais de récence explique peut-être pourquoi de nombreux investisseurs ont été surpris par la hausse très rapide des taux d’intérêt. Si l’inflation a eu de la difficulté à atteindre le taux cible de la Fed ces 10 dernières années, pourquoi le ferait-elle maintenant? Nous avançons que c’est parce que le contexte actuel est très différent de ce qui s’est produit au cours des 10 dernières années. Néanmoins, nous tenons à mettre en garde les investisseurs qui estiment que les taux se sont stabilisés puisque l’inflation n’était que temporaire. Nous pensons que la fluctuation des taux d’intérêt n’a fait qu’amorcer le début d’une période d’inflation qui durera plusieurs années, attribuable à la croissance économique.

Au début de l’année, nous avons décrit nos attentes entourant une conjoncture économique caractérisée par une augmentation de la croissance économique et de l’inflation. La croissance économique sera stimulée par la réouverture rapide de l’économie aux États-Unis et ailleurs dans le monde grâce à la disponibilité accrue des vaccins, aux mesures de relance budgétaire et monétaire, à la demande refoulée des consommateurs et aux épargnes considérables des particuliers. Selon le Fonds monétaire international, du seul point de vue des mesures de relance budgétaire, les gouvernements du monde entier avaient affecté 7 800 milliards de dollars américains aux pertes de revenus ou aux programmes de dépenses budgétaires à la fin de décembre 2020, auxquels s’ajoutaient des mesures de soutien de trésorerie d’une valeur de 6 000 milliards de dollars américains (injections de capitaux, prêts, achats d’actifs ou reprises de dette), représentant 13,5 % du PIB mondial. On le sait, les mesures de relance budgétaire peuvent prendre des mois, voire des années, à infiltrer les économies. Nous pensons que l’effet positif de ces mesures de relance sur la croissance se fera sentir jusqu’à la fin de l’année et même la prochaine.

Notre matrice de la dynamique croissance/inflation nous montre que dans un contexte où la croissance et l’inflation s’accélèrent, l’augmentation moyenne du taux des bons du Trésor américain à 10 ans a généralement été de 50 pb, avec un écart-type de 100 pb. Cela explique pourquoi au début de l’année, notre taux cible à 10 ans pour 2021 s’établissait à 1,5 %, avec un risque haussier jusqu’à 2 %. En mars, nous avions déjà atteint notre taux cible sur 6 à 12 mois, puisque les prévisions inflationnistes avaient commencé à s’accélérer au début de l’année (non sans raison d’ailleurs).

Cela nous incite à nous demander jusqu’où ira le taux des obligations à 10 ans d’ici la fin de 2021. Les risques haussiers vont en augmentant. Même si le rapport sur l’IPC aux États-Unis de février faisait état d’une légère hausse de 1,7 % sur 12 mois, nous sommes d’avis que l’inflation a commencé à augmenter — une tendance qui, selon nous, se maintiendra au milieu de la fourchette des 2 %, avec un risque haussier jusqu’en 2022. Nous croyons également que les taux des obligations à long terme augmenteront au même rythme que l’inflation.

Trois facteurs à l’appui de notre thèse d’inflation

Les petites entreprises signalent l’arrivée de l’inflation

Le plus récent sondage de la NFIB (National Federation of Independent Businesses) a révélé que le pourcentage net de propriétaires qui avaient augmenté les prix de vente moyens s’était accru de huit points, atteignant un sommet de 25 % en 10 ans.  Ce niveau a été observé pour la dernière fois en 2007. De plus, 34 % des propriétaires (désaisonnalisé) prévoient des augmentations de prix au cours des trois prochains mois, en hausse de 12 points par rapport aux deux derniers mois. Ce qui nous a surpris, c’est que nous voyons peut-être les pressions sur les salaires commencer à augmenter. Cinquante-six pour cent (56 %) des propriétaires ont dit avoir embauché ou tenté d’embaucher des employés en février, en hausse de cinq points par rapport à janvier. Quarante pour cent (40 %) des propriétaires ont indiqué offrir des postes qu’ils ont été incapables de pourvoir pendant la période visée, en hausse de sept points. Chacune de ces données révèle une augmentation des pressions inflationnistes.

Hausse des prix opérée par les petites entreprises (NFIB) et IPC sur 12 mois
20 derniéres années

Ce graphique révèle une forte corrélation entre le nombre de petites entreprises qui ont augmenté leurs prix (selon les données de la National Federation of Independent Businesses) et la variation sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation, de mars 2001 à mars 2021.

Source : Gestion de placements Manuvie, Bloomberg, mars 2021

L’inflation des prix des produits de base tend à entraîner l’inflation des prix à la consommation

Les prix des produits de base sont non seulement revenus à leurs sommets d’avant la pandémie, mais ils les ont surpassés. Compte tenu du faible niveau des stocks et de la possibilité que notre thèse de réouverture rapide se concrétise, nous pensons que les pressions sur les prix des produits de base ne pourront que s’accroître et contribuer à l’inflation.

Variation des prix des produits de base sur 12 mois et IPC sur 12 mois
20 derniéres années

Ce graphique révèle une forte corrélation entre le pourcentage de variation des prix des produits de base sur 12 mois et le pourcentage de variation de l’indice des prix à la consommation sur 12 mois, de mars 2001 à mars 2021.

Source : Gestion de placements Manuvie, Bloomberg, mars 2021

Les entreprises paient des prix plus élevés

À mesure que la population américaine (et mondiale) est vaccinée contre la COVID-19, les économies rouvrent progressivement. En raison du resserrement des stocks et de l’augmentation de la demande, les prix payés augmentent. Lors du plus récent sondage des entreprises de l’Institute of Supply Management, l’indice des prix payés a bondi à 86, un sommet en 10 ans. Comme pour le sondage NFIB, nous n’avons pas vu l’indice à ce niveau depuis 2007. Nous nous attendons à ce que les pressions inflationnistes continuent d’augmenter.

Indice ISM des prix payés du secteur manufacturier et IPC sur 12 mois
20 derniéres années

Ce graphique révèle une forte corrélation entre l’indice ISM des prix payés et la variation sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation, de mars 2001 à mars 2021.

Source : Gestion de placements Manuvie, Bloomberg, mars 2021

Si nous pensons que la conjoncture est propice à l’inflation, qu’en est-il des taux? Jusqu’où iront-ils? Le taux réel des bons du Trésor américain à 10 ans est actuellement de –0,17 %. Ces 10 dernières années, le taux réel des bons du Trésor américain à 10 ans (le taux des bons à 10 ans diminué de l’inflation) a oscillé entre 2,23 % et –1,95 %, pour un taux réel médian de 0,36 %. Nous ne pensons pas que les taux réels négatifs persisteront selon notre thèse de réouverture rapide. En fait, les taux pourraient atteindre 2 % assez rapidement.

Si nous avons raison et que l’inflation augmente en 2021 pour se stabiliser à environ 2,5 % cette année et l’année prochaine (avec un risque haussier), il est raisonnable de penser que le taux des bons du Trésor américain à 10 ans pourrait atteindre ou même dépasser 2,85 % d’ici 2022. Nous sommes de plus en plus convaincus que la Réserve fédérale pourrait commencer à augmenter les taux au deuxième semestre de 2022 en réponse à une croissance économique vigoureuse, une inflation accrue, une augmentation des salaires et un resserrement du marché du travail. Nous reconnaissons qu’il s’agirait là d’un geste important, qui ne fait pas l’unanimité; cependant, dans la mesure où il pourrait faire suite à 15 mois de croissance économique supérieure à la moyenne, ce n’est pas impossible. Chaque fois qu’un objectif est atteint, la possibilité de voir augmenter les taux devient une réalité. Par conséquent, les investisseurs ne devraient pas supposer que les taux ont fini de progresser. Selon nous, les obligations à long terme continuent de présenter un risque à mesure que les taux d’intérêt commencent à refléter la réalité de l’économie mondiale.

Taux des bons du Trésor américain à 10 ans (réel et nominal)
10 derniéres années jusqu’en février 2021

Ce graphique révèle la variation en pourcentage du taux réel par rapport au taux nominal des bons du Trésor américain à 10 ans entre mars 2011 et février 2021. Le taux pourrait fluctuer entre 2,0 % et 2,85 % en 2022.

Source : Gestion de placements Manuvie, Bloomberg, février 2021

La progression de l’inflation et des taux d’intérêt s’appuie sur des raisons valables : l’optimisme que suscite la croissance économique et conséquemment, les perspectives entourant l’inflation. Il s’agit d’une tendance qui, selon nous, se poursuivra encore plus vigoureusement. Nous croyons que c’est la raison pour laquelle la Fed est satisfaite du niveau des taux actuels.

Ma collègue Sandy Sanders a un excellent dicton : « Savez-vous pourquoi le rétroviseur d’une voiture est beaucoup plus petit que le pare-brise? Même si c’est important de savoir ce qui se passe derrière soi, c’est encore plus important de savoir où on va. » Cela décrit très bien le contexte actuel de l’inflation et des taux d’intérêt. Oui, il est important de comprendre comment les taux et l’inflation ont évolué, mais pour savoir vraiment où on va, il faut regarder devant soi. Les signes sont évidents.

L’augmentation des taux d’intérêt entraîne généralement la diminution des cours obligataires. Plus la durée moyenne des obligations détenues dans un fonds est longue, plus le fonds risque d’être sensible aux fluctuations des taux d’intérêt. Le rendement d’un fonds fluctue en fonction de la variation des taux d’intérêt. 

Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un fonds. 

Les opinions exprimées sont celles de Gestion de placements Manuvie au moment de leur publication et elles pourraient changer en fonction de la conjoncture du marché et d’autres conditions. Bien que les analyses et renseignements présentés dans le présent document aient été compilés ou formulés à l’aide de sources jugées fiables, Gestion de placements Manuvie ne donne aucune garantie quant à leur précision, à leur exactitude, à leur utilité ou à leur exhaustivité, et n’accepte aucune responsabilité pour toute perte découlant de l’utilisation du présent document ou des renseignements et analyses qu’il contient. Gestion de placements Manuvie n’est nullement tenue de mettre à jour ces renseignements. Ni Gestion de placements Manuvie, ni ses sociétés affiliées, ni leurs administrateurs, dirigeants et employés n’assument de responsabilité pour quelque perte ou dommage direct ou indirect, ou quelque autre conséquence que pourrait subir quiconque agit sur la foi des renseignements du présent document. 

Tous les aperçus et commentaires sont de nature générale et ponctuelle. Quoiqu’utiles, ces aperçus ne remplacent pas les conseils d’un spécialiste en fiscalité, en placement ou en droit. Il est recommandé aux clients de consulter un spécialiste qui évaluera leur situation personnelle. Ni Manuvie, ni Gestion de placements Manuvie limitée, ni Gestion de placements Manuvie, ni leurs sociétés affiliées, ni leurs représentants ne fournissent de conseils dans le domaine de la fiscalité, des placements ou du droit. Les rendements passés ne garantissent pas les résultats futurs. Le présent document a été préparé à titre indicatif seulement et ne constitue ni une offre ni une invitation à quiconque, de la part de Gestion de placements Manuvie, à acheter ou à vendre un titre, non plus qu’il indique une intention d’effectuer une opération dans un fonds ou un compte géré par Gestion de placements Manuvie. Aucune stratégie de placement ni aucune technique de gestion des risques ne peuvent garantir le rendement ni éliminer les risques. À moins d’indication contraire, toutes les données proviennent de Gestion de placements Manuvie. 

Manuvie, Gestion de placements Manuvie, le M stylisé et Gestion de placements Manuvie sont des marques de commerce de La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers et sont utilisées par elle, ainsi que par ses sociétés affiliées sous licence.

Kevin Headland, CIM

Kevin Headland, CIM, 

Co-stratège en chef des placements

Gestion de placements Manuvie

Lire la bio
Macan Nia, CFA

Macan Nia, CFA, 

Co-stratège en chef des placements

Gestion de placements Manuvie

Lire la bio