La fable d’Icare

Je n’ai jamais vraiment su si la morale du mythe d’Icare est uniquement celle qui est généralement reconnue : “N’essayez pas de voler trop haut”. Ne pourrait-elle pas vouloir dire : “Oubliez la cire et les plumes et trouvez mieux pour les ailes”?

― Stanley Kubrick

Tirée de la mythologie grecque, l’histoire d’Icare se veut une mise en garde contre l’orgueil démesuré et l’arrogance. Dédale, père d’Icare et maître artisan, fabrique des ailes avec des plumes et de la cire pour que lui et son fils puissent s’échapper de Minos, le roi de Crête. Dédale dit à Icare de le suivre en vol et de ne pas s’approcher trop près de l’eau ni du soleil. Enivré par son nouveau pouvoir, Icare ne porte pas attention et finit par voler trop près du soleil, qui fait alors fondre ses ailes. Il continue d’agiter les bras, mais, dépouillé de ses plumes, il s’écrase dans la mer.

Un accord commercial de phase 1 vient tout juste d’être signé, les données à l’échelle mondiale donnent à penser que l’économie se stabilise peut-être (reste à voir s’il y aura une reprise) et les valorisations de l’indice S&P 500 semblent refléter cette conjoncture optimale. Comme nous l’avons décrit dans notre commentaire, le rendement inscrit par les actions américaines en 2019 est principalement attribuable à l’évolution du ratio cours/bénéfice, et nous sommes d’avis que les valorisations actuelles ne sont pas nécessairement appuyées par les paramètres fondamentaux sous-jacents et les prévisions. 

Il n’existe aucune méthode qui puisse parfaitement mesurer les valorisations boursières. Et peu importe la mesure choisie, il semble toujours y avoir un retour à la moyenne. On parle ici de simples ratios à deux nombres, le premier étant un numérateur, et le second, un dénominateur. Ces ratios peuvent se normaliser d’une ou deux façons : soit le numérateur baisse, soit le dénominateur augmente. 

Examinez les différents ratios – cours/valeur comptable, cours/chiffre d’affaires, cours/flux de trésorerie, cours/bénéfice, capitalisation boursière/PIB : tous vous diront la même chose, soit que le S&P 500 s’approche des sommets atteints ces 20 dernières années. C’est là le signe d’un possible repli.

Le graphique montre les ratios cours/valeur comptable et cours/chiffre d’affaires de l’indice S&P 500 depuis janvier 2000. Ces deux mesures ont augmenté, mais n’ont pas dépassé leur moyenne pour la période.
Le graphique montre les ratios cours/flux de trésorerie et cours/bénéfice de l’indice S&P 500 depuis janvier 2000. Ces deux mesures ont augmenté, mais n’ont pas dépassé leur moyenne pour la période.
Le graphique montre la capitalisation boursière de l’indice S&P 500 divisée par le PIB des États-Unis, depuis janvier 2000 (base 100). Cette mesure est maintenant à son plus haut niveau depuis janvier 2000.

Cela dit, on n’obtient pas toujours un portrait juste quand on se fie à un ratio pour déterminer si le marché est surévalué ou sous-évalué, puisque les valorisations peuvent être influencées par d’autres facteurs. Peut-être est-il plus prudent d’interpréter ce ratio selon un autre contexte que sa fourchette de valeurs antérieures. Le ratio cours/bénéfice de Schiller (ou le ratio cours/bénéfice corrigé des variations cycliques) est un bon exemple, car il tente de normaliser les bénéfices en fonction de l’inflation sur un cycle de 10 ans. Habituellement, le ratio C/B et l’inflation évoluent en sens inverse. Quand l’inflation augmente, le ratio C/B de l’indice S&P 500 a tendance à baisser.

Nous aimons utiliser une version plus simpliste du ratio C/B corrigé des variations cycliques qui s’appelle la « règle de 20 ». Cette règle sert à mesurer les valorisations par rapport à l’inflation. Elle suppose que les actions s’échangent à leur juste valeur lorsque la somme du ratio C/B des 12 derniers mois et de l’inflation (IPC) est de 20. La moyenne qu’on obtient avec cette règle depuis 1970 est de 20,8. Autrement dit, on pourrait soustraire l’IPC du nombre 20 pour connaître la juste valeur du marché. 

Le graphique montre la « règle des 20 », sur une base mensuelle, depuis 1970. Il y a deux lignes pointillées; une qui indique un écart-type de plus 1 à 24,8, et l’autre, un écart-type de moins 1 à 16,8. Pour la première fois depuis la fin de 2018, la ligne de la « règle des 20 » se rapproche de la ligne pointillée à 24,8.

La valorisation à elle seule est toutefois assez mauvaise pour prédire les rendements à court terme. Il en va de même pour la règle de 20 – sauf dans des cas extrêmes. Si la somme de l’inflation et du ratio C/B dépasse la moyenne de plus d’un écart-type (c’est-à-dire un résultat de 24,8), le rendement prévisionnel moyen sur un an est de -1,3 %. Si le résultat est inférieur à 16,8 (soit un écart-type sous la moyenne), le rendement prévisionnel moyen sur un an est de 17 %. À l’écriture de ce commentaire, la somme de l’inflation et du ratio C/B s’élevait à 24,5. Ce résultat indique lui aussi que nous sommes très proches de la limite supérieure de la fourchette de la juste valeur. En soi, une valorisation élevée n’est pas nécessairement problématique, à condition que les bénéfices soient au rendez-vous. Or, à moins que les sociétés connaissent une hausse très marquée de leurs bénéfices en 2020, il est difficile de voir comment les valorisations pourront se normaliser sans qu’il y ait une correction du marché. Dans notre commentaire de la semaine dernière, nous disions qu’il était improbable, d’après notre analyse, que les bénéfices connaissent une hausse appréciable en 2020. C’est pourquoi, même si nous ne sommes pas pessimistes à l’égard des actions américaines cette année, nous demeurons prudents en raison d’une possible correction du marché.

Nous l’avons déjà vu dans le passé : les périodes de surévaluation et de sous-évaluation peuvent durer de nombreuses années. Elles peuvent aussi influencer les attentes concernant le rendement futur des placements. En ce moment, les valorisations boursières relativement élevées continuent d’inspirer des perspectives prudentes et des attentes modestes. Étant donné la faiblesse du taux d’inflation annualisé et des taux des banques centrales, de même que les rendements relativement modestes offerts par les titres à revenu fixe, l’attrait des actions et le point de vue des investisseurs (« il n’y a pas d’autre option ») n’ont rien de surprenant bien que les actions soient évaluées à leur pleine valeur. La morale de la fable d’Icare pourrait toutefois être un enseignement précieux pour les investisseurs si les valorisations boursières devaient monter encore plus haut et se rapprocher du soleil.

Kevin Headland, CIM
Stratège principal des placements, Gestion de placements Manuvie

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Kevin Headland, CIM

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Co-stratège en chef des placements

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Macan Nia, CFA

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